Ile Maurice: Une hausse jugée dérisoire face à la flambée du coût de la vie

L’annonce était attendue avec impatience par des milliers de travailleurs et de pensionnés. Le gouvernement a finalement dévoilé le montant de la compensation salariale qui sera appliquée à partir de janvier prochain :Rs 635.

Si le gouvernement met en avant un effort budgétaire dans un contexte économique jugé contraignant, les réactions, elles, n’ont pas tardé à fuser. Syndicats, fédérations et représentants de travailleurs indépendants dénoncent une mesure largement insuffisante face à la flambée persistante du coût de la vie.

Pour Stephane Maurymoothoo, membre du Regrupman Artizan Morisien (RAM), le débat ne doit pas opposer travailleurs salariés et indépendants. Il appelle d’ailleurs le public à ne pas stigmatiser ces derniers si certains sont contraints de revoir leurs tarifs. «Il existe deux catégories de travailleurs indépendants. Celui qui travaille seul à son compte et celui qui gère une petite entreprise. Dans le premier cas, il doit trouver comment réajuster ses prix pour survivre. Dans le second, il faut comprendre que le carnet de commandes a souffert, surtout avec cette pression constante de casser les prix», explique-t-il.


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Il rappelle également une réalité souvent ignorée : «Certains travailleurs indépendants ne savent même pas ce qu’est le 13e mois. Prenez un électricien : il n’a aucune prime de fin d’année. Il doit apprendre à économiser et redoubler d’efforts tout au long de l’année.» Tout en reconnaissant que la compensation fixée par l’État est de Rs 635, Stephane Maurymoothoo insiste sur un point : rien n’empêche les entreprises privées d’aller au-delà. «Le gouvernement n’a pas dit de payer uniquement Rs 635. Si une entreprise est prospère et reconnaît les efforts de ses employés, elle peut très bien accorder Rs 1 000.»

Mais il n’en demeure pas moins critique. «Rs 635, cela représente environ Rs 22 par jour. C’est une insulte à la classe travailleuse, surtout quand le coût de la vie reste aussi élevé», tranche-t-il. Il soulève également une zone d’ombre concernant le revenu minimum garanti fixé à Rs 20 000. «Certains travailleurs sont payés Rs 17 110. Ils recevront Rs 635, mais au final, atteindront-ils réellement les Rs 20 000 ? La question mérite d’être posée.»

Une réponse insuffisante à la cherté de la vie

Même son de cloche du côté syndical. Haniff Peerun (photo), président du Mauritius Labour Congress (MLC), ne mâche pas ses mots. Pour lui, la compensation salariale annoncée pour ceux gagnant jusqu’à Rs 50 000 est loin de répondre à la réalité quotidienne des travailleurs. «Jour après jour, la roupie se déprécie et notre pouvoir d’achat fond. Le gouvernement, avec son associé qu’est le patronat, ne semble pas voir la souffrance des travailleurs ni le démantèlement progressif de la classe moyenne», déplore-t-il.

Il s’en prend également au processus de consultation. «Si le gouvernement décide seul du quantum de la compensation sans véritable négociation, alors autant mettre fin aux consultations tripartites. Elles deviennent purement symboliques.»

Selon lui, les arguments avancés sont toujours les mêmes. «On nous parle de pertes d’emplois, de capacity to pay, de fermetures d’entreprises. Puis, du côté du gouvernement, on évoque une situation économique difficile, des caisses vides, les dérives de l’ancien régime ou encore l’oeil de Moody’s braqué sur Maurice. Pendant ce temps, la population souffre.»

Il craint qu’avec la politique d’austérité qui se profile, la pauvreté ne touche une frange encore plus large de la population. Pour y remédier, il réclame des mesures immédiates : «Une baisse de la TVA et un contrôle strict des prix sont indispensables pour soulager les travailleurs.»

La déception est tout aussi palpable dans la Fonction publique. Gheerishsing Gopaul, secrétaire de la Government Services Employees Association (GSEA), se dit «révolté» par le montant annoncé. «Le réajustement salarial n’a pas été fait correctement. Le rapport du PRB se fait toujours attendre, on ne sait même pas quand il sera rendu public. Et aujourd’hui, on nous annonce une compensation de Rs 635 pour ceux gagnant jusqu’à Rs 50 000. C’est profondément décevant.»

Selon lui, cette situation alimente un climat de découragement. «Il y a une vague de démotivation. Dans certains secteurs, même les heures supplémentaires ne sont pas payées. Le recrutement ne se fait pas comme il se doit. Rien n’est fait correctement», affirme-t-il. Il ajoute que les attentes étaient bien plus élevées. «La méthode utilisée pour calculer le coût de la vie doit être revue. Aujourd’hui, le coût de la vie ne se limite pas aux produits du panier de la ménagère. Il y a des dépenses incontournables qui n’y figurent même pas.»

Gheerishsing Gopaul dénonce également l’exclusion répétée de certains salariés. «C’est la deuxième fois que ceux qui gagnent plus de Rs 50 000 sont pénalisés. Ils sont exclus de la compensation salariale et n’ont pas non plus bénéficié du 14e mois en janvier dernier. C’est injuste et profondément démotivant. Le coût de la vie, lui, n’a pas été compensé.»

Une «arme politique»

Pour Fayzal Ally Beegun, président de laTextile Manufacturing & Allied Unions, le débat dépasse la simple question économique. «La compensation salariale est devenue une arme politique, tout comme la pension de vieillesse», affirme-t-il. «Chaque année, les discussions durent deux semaines. Et pourtant, le montant oscille toujours entre Rs 600 et Rs 800. Puis, à l’approche des élections, il grimpe soudainement et peut atteindre Rs 3 000.»

Il se dit surpris de voir certains syndicats continuer à «mendier» auprès du gouvernement. «Tous les gouvernements fonctionnent de la même manière. Si on veut réellement aider la classe travailleuse, il faut réclamer plus de Rs 2 000. Le montant aurait dû être d’au moins Rs 3 500.»

Selon lui, la réalité du terrain est sans appel. «Les gens ont des sueurs froides en arrivant au supermarché ou au bazar. Tous les produits sont en hausse. Pourtant, on nous avait promis une vie meilleure. Ce n’est pas le cas. La classe moyenne souffre et je parle d’au moins 80 % de la population mauricienne.»

Un malaise profond

Le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a également annoncé une hausse de 3,7 % des pensions de base, effective au 1er janvier 2026. Une mesure qui concernera les bénéficiaires de la Basic Retirement Pension, de la Basic Widow’s Pension, de la Basic Invalidity Pension ainsi que de la pension d’orphelin. Les personnes âgées de 60 ans relevant du critère de l’Income Support – soit celles ne percevant pas plus de Rs 10 000 – bénéficieront également de cette augmentation.

Si la hausse des pensions de base apporte un léger soulagement aux plus vulnérables, la compensation salariale de Rs 635 laisse un goût amer. Au-delà des chiffres, c’est un malaise social profond qui s’exprime : érosion du pouvoir d’achat, sentiment d’injustice, perte de confiance dans les mécanismes de dialogue social. Une chose est sûre : à quelques semaines de 2026, le débat sur le coût de la vie est loin d’être clos.

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