Ile Maurice: Une conscience énergétique

Regardons autour de nous et en nous, tout est énergie. Or, nous n’en sommes intimement conscients que très rarement. Par contre, le temps, l’espace et la matière sont quasiment toujours dans nos esprits. Nous réalisons sans trop de difficulté que l’eau ou la nourriture, par exemple, nous en avons un besoin vital et nous ressentons tout manque, jusque dans notre chair.
Pourtant sans énergie, rien ne se produit dans le monde physique qui est le nôtre. Notre conscience de l’espace-temps, si fondamental à notre existence, est impossible s’il n’y a pas de mouvement – cette énergie qui se transforme créant une force et provoquant un déplacement. Compliqué ? Essayons, si c’est ainsi, d’éveiller notre conscience à la place de l’énergie dans notre vie autrement…
Toutes les énergies nous viennent du soleil, sauf celle qui se trouve au centre de la terre (la géothermie) et celle au centre de la matière (le nucléaire). Il y a une infime radiation qui nous arrive aussi du reste de l’univers, sans compter un occasionnel météorite qui peut nous frapper sans prévenir. Nous devons comprendre que le vent qui souffle, la pluie qui tombe et la vague qui agite ont de l’énergie car il y a le soleil qui chauffe notre planète.
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Pour les houles et les marées, l’attraction de la lune y contribue aussi, mais l’océan recèle surtout des formes énergétiques connues et inconnues qui nous proviennent du soleil comme source primaire. Toute flore ou faune marine n’est qu’énergie, allant des algues que nous pouvons brûler comme biocombustible aux poissons que nous mangeons. Sur terre aussi, notre énergie, que ce soit le charbon, le pétrole, le gaz, le bois, la bagasse ou même l’hydraulique, ne sont que des énergies solaires, fossilisées pour certaines avec du carbone. Et c’est là qu’il y a un problème énorme !
Non-renouvelables
Il faut prendre conscience que les émissions de carbone à partir des énergies fossiles ont saturé complètement notre atmosphère. Elles s’y sont accumulées depuis la révolution industrielle alimentant le développement, surtout au Nord historiquement, et maintenant particulièrement aussi dans les économies dites «émergentes». À l’école nous apprenions, il y a environ 40 ans, que l’air que nous respirions contenait 0,03 % de dioxyde de carbone (CO2).
Mauvaise réponse aujourd’hui aux examens car le taux a dépassé 0,04 %. Pire, en 2024, la planète a connu la croissance annuelle au niveau du CO2 la plus élevée depuis que nous suivons le phénomène actuel du changement climatique. Tout cela dû à l’usage des énergies qui ne sont pas renouvelables, les combustibles fossiles sous la terre que nous avons brulés. Désormais toutes les limites ont été atteintes ou sont proches, que ce soit en termes de la capacité de la nature, y compris l’océan, à recevoir sans impact irréversible plus de CO2 ou encore de la quantité de ressources fossiles qui peut encore être extraite durablement.
Sommes-nous conscients des dégâts qui résultent des émissions de CO2, facteur principal du dérèglement climatique, ou préférons-nous prétendre que tout est normal ? Ici à Maurice, nous subissons une montée du niveau de la mer, l’occurrence de flash floods, des hausses de température et d’autres phénomènes que nous ne pouvons ignorer. Nous pouvons faire semblant que ce n’est pas si grave, mais notre insouciance businessas-usual nous renvoie tôt ou tard à une dure réalité : nous ne pouvons continuer ainsi.
Une illustration concrète se trouve dans la manière dont nous construisons nos bâtiments, nos infrastructures et nos routes, qui sont des masses thermiques gigantesques où la chaleur est piégée en été, surtout avec les canicules devenues plus fréquentes avec le dérèglement du climat. Avoir recours à une climatisation à partir des énergies fossiles n’est nullement une solution idéale, car un cercle vicieux des émissions de CO2 qui augmentent irrémédiablement nous tombe dessus.
Pour nous ici, aux heures de pointe entre 6 heures et 9 heures du soir – précisément en ces temps-ci – il y a aussi un sérieux risque de délestage sur le réseau électrique. N’est-il pas temps d’avoir une conscience énergétique qui soit plus profonde face à, pas une, mais à une multitude de crises ?
Changement ?
Sauf si nous avons des intérêts très particuliers dans le secteur des énergies fossiles, il est évident que la transition vers les énergies renouvelables avec l’efficacité énergétique doit être notre priorité pour notre bien commun, y compris par rapport à la sauvegarde de la planète. Nous sommes la seule génération à pouvoir agir contre la menace globale qu’est le dérèglement climatique puisque demain sera trop tard. Localement, il n’y a aucun doute quant à la vulnérabilité des petits États insulaires comme le nôtre et surtout des populations les plus exposées comme certaines parmi nous, ici même.
Cependant, la réalité est qu’à la veille de la 30e Conférence des Parties (COP30), nous sommes loin des objectifs globaux pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dix ans après le sommet de Paris, les engagements pris de part et d’autre n’ont été respectés que partiellement. Il est de même pour ceux de notre République qui, durant les dix dernières années, a vu la contribution nette des énergies renouvelables diminuer que ce soit pour la production d’électricité ou au niveau des besoins primaires en énergie.
Serions-nous un des seuls endroits au monde où il n’y a pas eu une seule éolienne installée durant la dernière décennie ? Et serions-nous aussi le pays qui aurait connu, par contre, une hausse record dans l’installation des climatiseurs l’année dernière en termes de pourcentage ? Ces deux faits démontrent l’urgence d’un vrai changement qui dépasse le cadre de la politique politicienne. D’où l’importance d’une prise de conscience des enjeux énergétiques qui nous concernent…
Une campagne d’économie d’énergie et de maîtrise de la demande en électricité aux heures de pointe est cruciale pour éviter un délestage car une centrale, renouvelable ou non, ne se construit pas en moins d’une année. Avec un engagement actif des consommateurs, à trois reprises jusqu’ici, nous avons noté une baisse de la demande entre 10 et 15 MW, une estimation brute en attendant des analyses plus sophistiquées.
Cela prouve que la majorité de la population est bien réceptive aux messages de sobriété énergétique, de modération dans la consommation sans pour autant affecter leur bienêtre, aux appels à éviter tout gaspillage. Une culture de responsabilité prend forme, sinon se consolide, non seulement dans les foyers, mais aussi dans les bureaux, entreprises, usines, hôtels et jusqu’aux centres commerciaux qui sont souvent réputés pour être énergivores.
Ce changement se confirmera-t-il face aux pics de consommation en été car jusqu’ici les alertes rouges sur le réseau ont été causées par des pannes imprévues dans la fourniture, pas par la demande ? C’est pourquoi l’éducation, la sensibilisation et la formation doivent se poursuivre car la conscientisation énergétique doit s’enraciner dans notre façon d’être. Il faudra être fermes dans nos convictions, pas uniquement avoir des plans et des stratégies.
Car il y aura en face toujours des cyniques, ceux qui critiquent tout, mais ne proposent rien, prêts à décourager ceux qui agissent, à mépriser autrui au lieu d’aider, voire à empêcher toute bonne action en évoquant milles et une excuse ou même des complots qu’ils s’imaginent. La conscientisation énergétique doit être ancrée à un socle de valeurs qui prône un juste équilibre entre l’humain et son environnement ; sinon elle pourra disparaître face aux prophètes de malheur et autres profiteurs qui n’ont comme finalité que les pouvoirs, les avoirs et les gloires éphémères de ce monde.
Concrètement, mieux que lire ces lignes, rien de tel pour éveiller, sinon raviver notre conscience énergétique que d’être en contact direct avec la nature et les signes ou merveilles de la création. S’affranchir, par exemple, des murs en béton lorsqu’il fait 30 o C et 90 % de taux d’humidité dans un bâtiment, comme aux heures de pointe du soir, pour aller respirer de l’air frais à l’extérieur. Et pendant la journée, favoriser autant que possible l’éclairage solaire, la ventilation naturelle et, quand il convient, l’ombrage qu’offrent les arbres que nous devons multiplier partout au lieu de bitumer, bétonner et bâtir sans conscience tout court.
Une tradition prophétique musulmane, avec un message à portée intemporelle, ne peut manquer d’interpeller notre conscience énergétique sur le sens ultime de tout ce que nous accomplissons : «Si la fin du monde arrive alors que l’un de vous tient dans sa main une pousse (un jeune plant), qu’il la plante !»



