Ile Maurice: «Très compliqué d'organiser un concert hors d'une zone hôtelière ou d'un bar»

2015-2025 : une décennie d’existence pour «La Isla Social Club». Malgré les restrictions qui pèsent sur l’organisation de concerts et festivals, Victor Genestar est de ceux qui persévèrent.
Ce soir, vous lancez les festivités pour les 10 ans d’existence de «La Isla Social Club». Le meilleur est à venir ?
Ah ! C’était il y a 10 ans, la première soirée au château de Labourdonnais, avec Polo & Pan. Avec Dreamers (Ndlr : soirée ce samedi à Edith Cavell Court, à Port-Louis), on lance les festivités de nos dix ans. On a tout un programme sur un an, avec un événement officiel pour nos dix ans, début 2026. L’année de festivités se terminera avec le festival La Isla 2068. Il ne se tiendra plus en mai, mais en octobre, et durera deux jours. Ce sera notre plus gros événement à ce jour, parce qu’on n’a jamais fait de festival sur deux jours.
«La Isla Social Club» se sent pousser des ailes malgré le contexte que les organisateurs jugent difficile ?
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Même si ce n’est jamais facile et que nous avons rencontré différents obstacles, nous voulons toujours progresser. Proposer des nouveautés. Au niveau du line-up, on est toujours positionné sur la mise en lumière de nouveaux talents. Nous essayons toujours d’améliorer notre set up et la taille de nos événements. Plus que jamais, on est très ambitieux. On fait avec le contexte, qui est délicat, en essayant de proposer des événements qui seront encore plus rassembleurs et ambitieux.
Un an après l’installation du gouvernement, les restrictions imposées par le précédent régime sont toujours en vigueur. Concrètement, comment l’organisateur que vous êtes, gère-t-il l’interdiction de vente d’alcool, les horaires contrôlés, etc. ?
Il ne faut pas se voiler la face. On est dans une situation extrêmement floue, mais on avance. Il y en a d’autres qui ne peuvent pas avancer faute de financement ou de sponsors. D’autres encore qui, avec l’interdiction de vente d’alcool, ne souhaitent pas faire d’événements en ce moment.
Pourtant «La Isla Social Club» et d’autres organisateurs ne sont pas restés les bras croisés. Il y a eu des discussions avec les autorités et des solutions proposées, comme les alcootests à la sortie des festivals, les campagnes de sensibilisation, etc.
Exactement. Cela fait trois ans maintenant que l’interdiction de vente d’alcool nous a été notifiée pour la première fois. C’est uniquement sur le festival que nous avons eu ces problèmes-là. On aurait pu s’arrêter parce que c’est quand même très pénalisant. On continue parce qu’on est en très bons termes avec les autorités et elles comprennent notre problème.
Et on arrive à trouver des solutions, être malins, en accord avec les autorités. On arrive à trouver des lieux qui nous permettent de nous exprimer pleinement. On a mis plusieurs mois à trouver des lieux. On a bouclé tout notre calendrier sur un an et on sait que les lieux où on ira vont offrir une liberté à ce niveau-là.
Donc, la viabilité des événements dépend avant tout du lieu où ils vont se tenir ?
Ça dépend du lieu, oui. C’est pour ça qu’il y a beaucoup de gens qui ont du mal à proposer des événements ailleurs que dans les hôtels. C’est très compliqué à ce jour d’organiser un événement hors d’une zone hôtelière ou d’un bar ou d’une boîte de nuit, mais ça, ça ne nous intéresse pas. J’aimerais qu’il y ait des lieux clairement identifiés par les autorités pour que l’événementiel musical puisse s’exprimer.
Pour revenir aux mains tendues des organisateurs aux autorités qui vous ont écouté. Après un an, les signaux sont toujours au vert ?
Nous avons été reçus très aimablement. On est en très bons termes avec eux. Mais on n’a eu aucun résultat. En revanche, on constate que sur le marché aujourd’hui, des événements peuvent avoir lieu, avec vente d’alcool, hors de zones hôtelières. Cela reste un grand flou.
Maintenant que «La Isla» a dix ans d’existence, trouvez-vous des partenaires les doigts dans le nez ?
Il faut encore galérer.
Même quand on s’appelle «La Isla Social Club» ?
Cela ne change rien.
Et que vous avez un bilan ?
Malheureusement, ça ne change pas grand-chose. Notre volonté, c’était de renforcer nos partenariats actuels qui datent de plusieurs années. Pour nos dix ans, on est très fiers qu’en premier, les hôtels Attitude nous accompagnent dans notre ambition de développer La Isla. Ainsi qu’Oxenham, qui sont nos deux poumons. Sans oublier Omnibox, notre partenaire technique.
Comme ce sont nos dix ans, on a essayé d’élever le curseur, mais ça reste difficile. On n’a pas particulièrement plus de soutien, on doit se battre. Mais grâce à ces trois piliers, on arrive à résister et à avoir de l’ambition.
Votre positionnement sur les talents émergents, c’est un pari gagnant ?
On est très content de constater qu’un nouveau talent, qu’un nouveau groupe qui débute dans la musique, s’il n’a pas été contacté par nous, va nous contacter. On est devenu un vrai tremplin, une belle référence. C’était notre ambition depuis le départ d’accompagner les nouveaux talents les plus créatifs et pas des artistes qui font des reprises. Sur le prochain Dreamers on a quatre nouveaux talents que le grand public ne connaît pas. Il y a trois groupes issus du concours Konpoz to lamizik.
Il y a aussi Cassie Deborah. On est content de leur proposer un espace haut de gamme. Cela participe aussi à leur crédibilité et leur développement. Une découverte qui passe par La Isla a toujours deux, trois prises de contact avec d’autres partenaires privés ou publics. Ils seront programmés ailleurs. On essaie d’être un passage de référence pour que l’artiste grandisse.
«La Isla Social Club», c’est surtout le festival et la soirée «Dreamers». Et vos autres activités, comme les vidéos «Live dan patrimoine» ?
La Isla est un média culturel qui organise des événements. Le site internet en veille depuis un an et demi sera relancé dans le cadre de nos dix ans à partir de janvier. On a une partie vidéo avec La Isla TV, qu’on continue à développer avec deux concepts. We Love Maurice est en pause. Il faudra demander des nouvelles à la Mauritius Tourism Promotion Authority (Ndlr : la présidente Claire Le Lay et le directeur Avinash Teelock ont été révoqués le 11 novembre dernier).
We Love Maurice a été lancé main dans la main avec la MTPA, avec une volonté de mise en avant du patrimoine physique. Il est en pause parce qu’on attend une réponse de leur côté. On a une équipe d’une dizaine de personnes qui travaille dessus. C’est un long montage. Et après, on cherche des artistes d’un certain niveau pour que le contenu soit très créatif et très exclusif. C’est un budget important.
L’autre concept –Live dan patrimoine– continue, avec les hôtels Attitude. C’est l’exploration du patrimoine physique, avec des concerts de trois chansons dans des sites classés patrimoine, un héritage complètement délaissé. Il y a bien entendu un gros potentiel à Maurice concernant les sites historiques, qui pourraient être réhabilités pour que les Mauriciens en profitent. Et qu’ils deviennent de nouveaux lieux d’expression artistique.
C’est une mission de «La Isla» pour les prochains dix ans ?
C’est parti pour jusqu’en 2068 au moins. Notre plus grande ambition, c’est le festival. Un point clé du développement, c’est d’attirer des festivaliers de la Réunion, d’Afrique du Sud, de la région. Le festival a été créé avec cette volonté dès le départ. D’où le changement de date de mai à octobre, afin d’avoir plus d’attractivité pour les artistes étrangers.
C’est surtout un rapprochement avec les Électropicales de Saint-Denis. On travaille main dans la main pour proposer à nos têtes d’affiche qui viendraient de l’étranger, la possibilité de participer aux deux festivals. C’est un partenariat qui va nous donner beaucoup de force et de visibilité à l’international. Les Électropicales attirent plus de 7 000 personnes par jour.


