Ile Maurice: Trois drames en une semaine – Quand l'irresponsabilité au volant ôte des vies

Le décès de Laeticia Ramkalawon, 25 ans, habitante de Saint-Martin, a bouleversé le pays samedi. Cette jeune mère se trouvait à bord d’un autobus contractuel lorsqu’il est entré en collision avec une voiture conduite par des touristes. Ce qui choque davantage, c’est que le chauffeur du bus ne possédait pas de permis valide. Ce drame s’ajoute à deux autres accidents mortels, révélant une nouvelle fois les dérives et l’irresponsabilité de certains conducteurs.
Pour le syndicaliste Reeaz Chuttoo, président de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP), cette tragédie met en lumière des failles profondes dans le système des transports sous contrat, utilisé par de nombreuses entreprises. «C’est un bus de contracteur, comme il en existe pour plusieurs compagnies aujourd’hui. En réalité, certaines entreprises agissent comme des plateformes de type Uber : elles signent des contrats avec différentes compagnies, sans posséder elles-mêmes de véhicules. À la fin de cette chaîne, c’est toujours le travailleur qui est victime.»
Le syndicaliste dénonce le manque de contrôle sur les chauffeurs recrutés par ces sociétés intermédiaires. «Quand une entreprise fait appel à un transporteur, elle signe un contrat spécifiant les routes et les points de ramassage. Mais personne ne vérifie réellement si le chauffeur a une licence valide. Résultat : en cas d’accident, tout le monde se dédouane, et le travailleur paie le prix fort.»
Reeaz Chuttoo appelle à un renforcement du cadre légal. «Dans la loi, c’est l’employeur qui doit assurer la sécurité de ses employés. Mais le contracteur n’est pas l’employeur direct. C’est un vide juridique dangereux.» Il suggère que la licence du chauffeur soit obligatoirement affichée dans chaque bus contractuel afin d’assurer la transparence. «Ainsi, les passagers sauraient que c’est bien la personne autorisée qui conduit.»
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Des failles dans la loi
Le syndicaliste évoque également d’autres cas alarmants : un chauffeur sous influence de l’alcool, un autre soupçonné de consommer de la drogue, sans qu’aucun test ne puisse être imposé. «La loi ne permet pas aux employeurs d’effectuer des dépistages, même lorsqu’ils soupçonnent un comportement dangereux. Ce vide doit être comblé avant qu’il n’y ait d’autres victimes.»
Face à la série de drames, le ministre du Transport, Osman Mahomed, a lui aussi réagi. Il déplore l’absence de vérification du permis du chauffeur impliqué dans l’accident. «Comment la compagnie a-t-elle pu passer à côté d’un élément aussi fondamental ?» s’interroge-t-il.
Selon les témoignages recueillis, plusieurs travailleurs avaient déjà alerté sur la manière de conduire de ce chauffeur. «La compagnie était donc au courant», soutient le ministre. Il souligne également que cette série noire ne peut être qualifiée de simples accidents.
Sous influence de la drogue
Outre Laeticia Ramkalawon, deux autres victimes ont perdu la vie sur les routes cette semaine. Le petit Alfred Keyan, âgé de trois ans, a été mortellement percuté par un conducteur dont l’alcotest était négatif mais le test de dépistage de drogue positif. Autre cas : celui de Muhammad Muzzamil Ismaël Hossenboccus, 30 ans, fauché par une voiture de location. Le conducteur a pris la fuite avant d’être arrêté ; deux bouteilles de bière ont été retrouvées dans la portière du véhicule.
«Peut-on encore parler d’accidents ?» s’indigne Osman Mahomed. «Un accident est un événement fortuit. Ici, on parle de conducteurs conscients des risques, certains sous influence de la drogue ou de l’alcool, d’autres sans permis. Ce sont des comportements criminels.»
Entre le 1eᣴ janvier et le 31 octobre, les autorités ont enregistré 2 873 contraventions pour alcool au volant et 754 pour conduite sous influence de la drogue. Ces statistiques confirment une dérive inquiétante dans le comportement des conducteurs.
Pour tenter d’y remédier, le ministre du Transport rappelle que le permis à points sera introduit en janvier, une mesure visant à responsabiliser davantage les automobilistes. Il appelle également la population à signaler les comportements dangereux via la hotline 148.
Reeaz Chuttoo réclame une enquête du ministère du Travail et une révision urgente des lois encadrant le transport de personnel pour faire suite au décès de Laeticia Ramkalawon. «La situation est grave. Et elle pourrait empirer avec l’arrivée de contracteurs étrangers dont les licences ne seront peut-être pas compatibles avec les nôtres. En plus, la barrière de la langue posera d’autres risques.»
Pour les proches de Laeticia Ramkalawon, comme pour les familles de Keyan et de Muzzamil, les mots ne suffisent plus. Le ministre du Transport a adressé ses condoléances aux familles endeuillées mais tous appellent à des actions concrètes.



