Ile Maurice: Rehausser les produits locaux avec la gastronomie italienne

Cela fait 14 ans que le chef italien Fabio De Poli a pris la gérance du restaurant La Table du Château au Domaine Labourdonnais, à Mapou. Si à ses débuts, ce domaine, qui est excentré, recevait peu de visiteurs, aujourd’hui, il reçoit annuellement 60 000 personnes et plus de la moitié vient pour l’excellente cuisine de Fabio De Poli et de son équipe. Ce qui les attire, c’est l’art de ce chef italien de rehausser, avec une touche de gastronomie italienne, les produits locaux que les Mauriciens mangent de plus en plus rarement.

Cela fait 20 ans que Fabio De Poli, qui compte 30 ans d’expérience en tant que chef, a posé ses valises à Maurice. Ce natif de Venise, dont les parents étaient des pâtissiers basés à Mestre, a toujours été intéressé par la cuisine. Il a été admis à l’école hôtelière de Jesolo Lido Venice où il a étudié pendant cinq ans. Comme Fabio De Poli veut apprendre l’anglais, il se rend à Londres. Mais comme il souhaite aussi se familiariser aux cuisines du monde entier, il fait des haltes professionnelles dans dix pays différents mais retrouve davantage ses marques dans la gastronomie française.

C’est en faisant l’ouverture de l’hôtel Sainte Anne dans l’archipel des Seychelles que Fabio De Poli rencontre l’amour sous les traits de Féline, une infirmière française, qu’il épouse. Elle lui a donné deux enfants, Elysio, aujourd’hui âgé de 21 ans, et Andelys, 19 ans. En 1998, les hôtels 5-étoiles à Maurice, notamment les fleurons du groupe Beachcomber, recherchent un chef de calibre. Fabio De Poli débarque à Maurice et fait ses débuts à l’hôtel Le Victoria, avec des missions ponctuelles à l’hôtel Trou-aux-Biches. Il en conserve de merveilleux souvenirs. «Je me suis éclaté. J’ai adoré l’île, les gens.»

Réserver à l’avance

Il est de service au restaurant La Casa à l’hôtel Le Victoria, qui est très réputé. «On avait tout le gratin qui venait manger là et il fallait réserver une table deux semaines à l’avance», se souvient-il. Fabio De Poli, qui est toujours dans un esprit d’apprentissage, décide de partir à Dubaï où il est embauché comme Executive sous-chef, soit le no 2, pour le groupe hôtelier Rotana, Albustan Rotana, qui fait partie des Leading hotels of the world. Il est rattaché au palace du Sheik Al Maktoum, qui comprend 12 restaurants. Comme il ambitionne de diriger un jour un hôtel, Fabio De Poli suit en parallèle une formation de deux ans en management.

Il repart ensuite aux Seychelles pour exercer comme chef exécutif au Saint Anne Resort and Spa, effectue un passage à l’hôtel Legends à Maurice, avant d’être rappelé par l’hôtel Trou-aux-Biches. Il occupe d’abord le poste d’Executive Assistant Manager Food and Beverage, soit le no 2 de l’établissement. Avec Fatima Chuttoo et le Canadien Yan Crime, ils mettent en place et ouvrent le Trou-aux-Biches rénové. Il y reste trois ans. «J’avais pris goût à la gestion mais il n’empêche que je formais les sous-chefs et le personnel de cuisine. Mais à ce stade de ma vie, je voulais être directeur d’hôtel.»

Fabio De Poli est un bourreau de travail. Il y consacre 15 heures par jour et après quelques années de travail acharné, il décide de prendre deux jours de repos. Congé refusé par le directeur de l’époque. Trouvant cela inadmissible, Fabio De Poli rentre chez lui, et dit à son épouse qu’il va démissionner et se mettre à son compte. Elle est entièrement d’accord.

Peu de temps après, son épouse apprend par une amie que le restaurant La Table du Château au Domaine de Labourdonnais à Mapou cherche un gérant. Il téléphone et parle à une responsable qui essaie à le décourager en lui disant que la place est déjà prise. Ne perdant pas la carte, Fabio De Poli demande si le contrat est déjà signé. Quand il apprend que tel n’est pas encore le cas, il va à la rencontre de la responsable et son charme italien fait le reste.

Le «miracle» De Poli

C’est ainsi qu’il a pris la gérance de La Table du Château en 2011. Le matériel qui s’y trouvait étant basique, il a investi 150 000 euros en assiettes, verres et équipements de cuisine. Il n’a eu aucun mal à recruter du personnel qu’il a formé. Fabio De Poli a décidé de faire une soixantaine de couverts le midi et une quarantaine le soir afin de proposer un menu plus gastronomique en soirée. Au début, les visiteurs sont rares, pour ne pas dire inexistants. «Le fait que nous soyons excentrés et peu connus à l’époque jouait contre nous. On avait zéro visiteur.»

Et là, c’est le talent de Fabio De Poli en cuisine et le bouche-à-oreille qui ont attiré les gens au Domaine de Labourdonnais. Vu le cachet historique du lieu, il a proposé une carte où il revisite des produits locaux un peu oubliés des Mauriciens et qui se mangent surtout à domicile, et les rehausse avec une touche de gastronomie italienne, comme des gâteaux piments, produits qu’il accommode avec du poisson en salade. Une tuerie, disent les amateurs. «Je voulais d’une cuisine qui soit en accord avec ce lieu historique, en quelque sorte apporter ma pierre à l’édifice.»

C’est ainsi que le «miracle» De Poli s’opère. De zéro visiteur, aujourd’hui, le domaine attire plus de 60 000 personnes annuellement et plus de 50 % viennent pour manger à La Table du Château d’abord et ensuite faire la visite du domaine. Et 50 % de sa clientèle est mauricienne.

Il change sa carte tous les six mois. Mais il y a deux plats qu’il ne peut enlever car ils sont toujours en grande demande, soit l’agneau braisé pendant sept heures avec sa purée d’arouille violette, et la légine glacée à la vanille, spëtzles sautés et crème de potiron local.

Ses services sont aussi sollicités pour de grands événements comme des cocktails dînatoires, des buffets, des soirées pour d’importants groupes. «Au restaurant, le maximum de personnes que nous pouvons accommoder, c’est 80. Par contre, sur le domaine, on peut servir un nombre plus important avec l’aménagement de cuisines satellites. Le plus gros événement que nous ayons organisé jusqu’ici est un mariage pour 800 personnes.»

Et son carnet de réservations pour ce type de soirées, cette année, commence à se remplir, soit une dizaine de mariages pour 200 à 300 invités, et il a même des réservations pour 2026. Fabio De Poli, qui a obtenu sa naturalisation depuis maintenant cinq ans, ne veut pas que tous les honneurs de ce succès lui reviennent. «J’ai une équipe extraordinaire qui m’entoure. La Table du Château, ce n’est pas uniquement Fabio De Poli. C’est aussi tous mes collaborateurs, dont Stephano, Doushina, Kunaal, Nathaniel, Indira, Arthy et bien d’autres. Ils sont les pionniers du restaurant.»

Cela fait 14 ans que La Table du Château tourne à plein régime, ce qui est rare dans le monde de la restauration à Maurice. Souhaitons que cette longévité se prolonge encore de longues années, pour le plus grand bonheur des gourmands et des gourmets.

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