Ile Maurice: Quand seniors et jeunes se disputent le marché du travail

La population vieillit, les jeunes ont du mal à trouver un emploi. Dans ce contexte, une question majeure se pose : jusqu’à quel âge doit-on travailler ? Peut-on légitimement empêcher un senior en bonne santé, qui a envie de travailler, de continuer à le faire ? Parallèlement, comment garantir aux jeunes des opportunités réelles sur le marché du travail ? Penchons-nous sur l’âge de la retraite dans plusieurs juridictions pour mieux cerner les enjeux liés au travail des seniors et les perspectives offertes aux jeunes sur le marché de l’emploi.

Le cas singapourien

Dans la Retirement and Reemployment Act (RRA)*, la loi sur la retraite et le réemploi, le ministère de la Maind’oeuvre de Singapour a fixé l’âge minimal de la retraite à 63 ans depuis le 1er juillet 2022. De plus, les employeurs ont l’obligation de proposer un réemploi aux salariés éligibles dès qu’ils atteignent l’âge de la retraite et ce, jusqu’à 68 ans.

Ce seuil de réemploi, auparavant fixé à 67 ans, a été relevé en 2022 pour permettre aux seniors, qui le souhaitent, de continuer à travailler tant qu’ils en ont la capacité. Il a aussi été annoncé, le 4 mars 2024 – au Ministry of Manpower Committee of Supply 2024 – que l’âge de la retraite passera à 64 ans et celui du réemploi à 69 ans à partir du 1er juillet 2026.

Maurice Lam, un Mauricien résidant à Singapour, nous en dit plus sur le cas singapourien. «D’ici 2030, les seuils respectifs devraient atteindre 65 ans pour ceux qui optent pour une early retirement ; et 70 ans pour le réemploi – à un salaire réduit et adapté.» Il ajoute qu’il y a aussi «une approche globale : des consultations tripartites et une politique d’immigration intelligente, où des personnes qualifiées sont encouragées à venir travailler à Singapour, répondant ainsi aux besoins du pays.» Il précise que le chômage n’est pas un problème à Singapour.

Le cas chinois

Le State Council Information Office of China (SCIO)** a publié, en 2024, un document soulignant que le relèvement progressif de l’âge légal de la retraite constitue une réponse proactive au vieillissement démographique. Selon une décision des législateurs chinois, l’âge de départ à la retraite sera augmenté de 60 à 63 ans pour les hommes, sur 15 ans à partir de 2025 ; de 55 à 58 ans pour les femmes cadres ; et de 50 à 55 ans pour les femmes ouvrières.

Cette réforme vise à compenser le déclin de la population active et à maintenir la vitalité économique. Le nombre minimum d’années de cotisation pour toucher une pension sera aussi relevé de 15 à 20 ans à partir de 2030. Les experts soulignent que cette transition progressive aurait un impact modéré sur l’emploi des jeunes, qui bénéficieraient d’un meilleur niveau d’éducation et d’atouts dans les secteurs numériques et verts.

Le cas mauricien

À l’Assemblée nationale, le 17 juin dernier, le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, a qualifié la pension de retraite de base (BRP) de «fiscalement insoutenable et financièrement intenable»***. Il a martelé néanmoins que le Budget n’a pas modifié l’âge de la retraite qui est resté fixé à 65 ans. Il a expliqué cependant la nécessité d’aligner l’éligibilité à la Basic Retirement Pension (BRP) sur l’âge légal de départ à la retraite. Pour cela, il a avancé plusieurs points. Tout d’abord, la part de la BRP dans le Produit intérieur brut (PIB) est passée de 1,9 % en 2010, à 3 % en 2015-16, puis à 6,1 % en 2020-21. Au 17 juin dernier, elle avait atteint 7,8 %.

Ensuite, il a évoqué la chute de la fécondité – de 5,9 % en 1960 à 1,34 % en 2024 – ce qui signifie de moins en moins de travailleurs pour soutenir un nombre croissant de retraités. Par ailleurs, il a souligné que l’espérance de vie à 60 ans a augmenté, tant pour les hommes que pour les femmes. Enfin, la BRP, pension non contributive, est entièrement financée par le Consolidated Fund, ce qui la rend insoutenable.

Si, pour Maurice, la gestion de la BRP demeure la priorité du moment, une crise plus large des ressources humaines se profile à l’horizon, touchant aussi bien le secteur de la santé que celui de l’éducation. Le ministère de la Santé a annoncé le recrutement d’infirmiers retraités, ne dépassant pas 70 ans.

Le ministère de l’Éducation a, quant à lui, invité des fonctionnaires retraités – âgés de 70 ans au plus – à postuler comme Supply Teachers dans les écoles primaires publiques. Ces mesures, conçues comme des solutions d’urgence, mettent en lumière un déséquilibre persistant entre la formation et les besoins réels du marché du travail. Les jeunes apparaissent, une fois encore, comme les grands oubliés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to top
Close