Ile Maurice: Multiplication des centres commerciaux – Un risque de saturation se profile

Alors que l’inflation pèse sur le pouvoir d’achat et que les ménages restent prudents dans leurs dépenses, les centres commerciaux, eux, semblent se multiplier à toute vitesse. Cette croissance s’inscrit dans un contexte où l’offre commerciale se développe rapidement, avec l’ouverture de plusieurs nouveaux centres et l’extension d’infrastructures existantes. Rien qu’aux mois de novembre et de décembre, plusieurs nouveaux centres ont ouvert leurs portes, renforçant une offre déjà dense. Le 25 novembre, l’extension du Cascavelle Shopping Mall a été inaugurée, suivie le 16 décembre par l’ouverture du China Mall et du Montebello Mall. D’autres projets sont annoncés, dont deux nouveaux centres dans l’Est – à Flacq et à Bel-Air – ainsi que l’extension du centre Kendra, qui ajoutera 5 000 m² de surface commerciale.
Au-delà des achats, ces lieux sont devenus des espaces de vie combinant commerces, restauration, loisirs et services. En cette période de fin d’année, ils offrent une solution centralisée particulièrement attractive pour les familles, permettant de combiner courses, sorties et moments de détente sous un même toit. D’ailleurs ces jours-ci, l’on peut constater que les parkings sont souvent pleins et les allées animées, parfois bondées, mettant en évidence la fréquentation soutenue de ces espaces commerciaux.
Selon le rapport SWAN – Ascencia Limited Introductory Report (Sponsored Research) publié en octobre, les centres commerciaux attirent en moyenne 2,1 millions de visiteurs par mois. Pour l’année se terminant en juin de cette année, la fréquentation a progressé de 4,5%, retrouvant presque les niveaux observés avant la pandémie de Covid-19. La dépense moyenne par visiteur a augmenté de 4% par an au cours des huit dernières années, tandis que le chiffre d’affaires des locataires progresse de 7% par an. Le taux de magasins vides reste très faible à 1,1% et les loyers représentent en moyenne 6,9% du chiffre d’affaires des commerçants, ce qui traduit un marché commercial attractif.
Suivez-nous sur WhatsApp | LinkedIn pour les derniers titres
Cette multiplication des centres commerciaux s’accompagne toutefois d’une concurrence plus forte dans certaines régions, souligne le rapport. Lorsque les zones d’influence des centres commerciaux se chevauchent, la pression concurrentielle augmente, particulièrement dans les Plaines-Wilhems, ainsi qu’à Flacq et à Grand-Baie. Les centres commerciaux de taille plus modeste ressentent davantage cette concurrence, tandis que les grands centres régionaux comme Tribeca conservent un rayon d’influence plus large, limitant les rivaux capables de contester leur attractivité.
Sollicité sur le nombre croissant de centres commerciaux, Ashok Sonah, le nouveau président de l’Association of Mauritian Retailers (AMR), explique comment cette multiplication affecte les activités des commerces, faisant ressortir que la multiplication des centres commerciaux ne se traduit pas forcément par une augmentation des ventes, mais entraîne des coûts supplémentaires pour les commerçants. *«Plus de centres commerciaux signifie que le même client est réparti sur plusieurs lieux. Nous devons ouvrir des magasins dans différents centres commerciaux pour rester visibles. Chaque ouverture représente un investissement important, sans garantie de hausse du chiffre d’affaires.Les loyers et charges additionnels restent élevés et constituent un risque pour la rentabilité.»*Parallèlement, souligne-t-il, le nombre d’habitants et le pouvoir d’achat n’augmentent pas. «Nous essayons de rester compétitifs et d’offrir des produits de qualité. Mais si les charges deviennent excessives, c’est finalement le consommateur qui en subit les conséquences.»
Il explique que certains types d’activités, comme les food courts, bénéficient d’un flux constant de clients tout au long de l’année. «Pour les food courts, les gens viennent manger, à l’instar de ceux qui travaillent de longues heures et n’ont pas le temps de cuisiner. Les supermarchés fonctionnent également toute l’année grâce à un passage régulier.»
Pour les magasins, en revanche, les périodes de forte fréquentation restent limitées à la fin de l’année, particulièrement novembre, décembre et début janvier, ainsi qu’à quelques occasions spécifiques comme la Fête des mères. En dehors de ces moments, les clients achètent surtout par nécessité et les commerces ne voient pas de grande affluence, observe le président de l’AMR.
Au vu de l’augmentation des centres commerciaux, Ashok Sonah aborde un risque de saturation à l’avenir. «Si plusieurs centres commerciaux desservent la même clientèle dans un même axe, à long terme, cela se fera sentir. Si les commerçants ne sont pas performants, ce sont les centres commerciaux qui vont subir la pression. Comme aux États-Unis, certains bâtiments sont vides faute de passage : les commerces ferment et l’attractivité diminue encore.»
De plus, la prolifération des centres commerciaux se déroule dans un contexte économique tendu. Si l’inflation a reculé par rapport aux pics récents, elle reste élevée, à 3,7%, et le coût de la vie continue de peser sur les budgets des ménages. Ceux-ci tendent à rationaliser leurs achats, même en cette période de fêtes, où les dépenses liées aux cadeaux, aux vêtements et aux sorties familiales nécessitent un arbitrage attentif.
Par ailleurs, le rapport SWAN – Ascencia Limited Introductory Report (Sponsored Research) identifie plusieurs risques susceptibles de conduire à une révision de son évaluation. Parmi eux figure un possible ralentissement de la consommation, lié à la suppression progressive des allocations sociales, et à l’instauration de taxes sur le sucre et l’alcool, qui pourrait réduire les dépenses des ménages et affecter le chiffre d’affaires des locataires. Une concurrence accrue, notamment dans la région de Plaines-Wilhems, pourrait exercer une pression sur l’augmentation des loyers et les taux d’occupation.
Une reprise de l’inflation au-delà de la cible de 2 à 5 % risquerait d’augmenter les coûts opérationnels et administratifs, réduirait les marges et pourrait entraîner des coûts financiers plus élevés si les baisses de taux étaient retardées. Des retards dans les projets à venir, comme les centres commerciaux de Flacq et Bel-Air ou l’extension de Kendra, pourraient diminuer la rentabilité et les dividendes. Et une éventuelle dégradation de la note de crédit par Moody’s augmenterait la prime de risque pays, renchérissant le coût des capitaux propres et exerçant une pression supplémentaire sur l’estimation des prix selon le modèle de dividendes actualisés.
