Ile Maurice: Médecins contre Bachoo – La température grimpe

C’est une véritable guerre ouverte qui se profile entre les médecins du service public et le ministre de la Santé, Anil Bachoo. Depuis sa visite surprise à l’hôpital Sir Anerood Jugnauth (SAJ) de Flacq, la semaine dernière, la tension ne cesse de grimper. Entre accusations, démotivation et menaces de rupture du dialogue, le fossé se creuse entre le ministère et les praticiens.

Tout est parti du refus de plusieurs médecins de l’hôpital de Flacq d’effectuer des heures supplémentaires. Le ministre, visiblement exaspéré, n’a pas tardé à réagir publiquement (voir encadré). En retour, la Medical and Health Officers Association (MHOA), affiliée à la Federation of Civil Service and Other Unions (FCSOU), a tenu une conférence de presse, hier, mercredi, pour dénoncer ce qu’elle considère comme une stigmatisation injuste de la profession médicale.

Le président de la FCSOU, le Dr Vinesh Sewsurn, a voulu répondre sans détour aux accusations. Selon lui, les déclarations du ministre, qui laissent entendre que certains médecins seraient négligents ou même des «brebis galeuses», portent gravement atteinte à l’image de la profession. «Ce n’est que le Medical Council qui peut juger de la compétence ou de la conduite d’un médecin», a-t-il martelé.


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Plus inquiétant encore, affirme-til, ces propos ont fragilisé la relation de confiance entre patients et médecins. «Nos praticiens subissent de plus en plus d’abus verbaux et physiques. Certains craignent même pour leur sécurité. Il y a eu des cas de brutalité et une collègue a même subi une perte tragique. Pourquoi le ministre ne dit-il rien alors qu’il connaît ces faits ?» interroge-t-il.

Le malaise s’est accentué après les déclarations d’Anil Bachoo sur les réseaux sociaux. Selon la FCSOU, celles-ci ont «enflammé la toile» et alimenté la méfiance du public. «On a entendu parler de 50 patients dans la nuit de la visite surprise. Or, nos chiffres indiquent qu’il n’y en avait que 19. Les autres étaient des accompagnateurs», affirme le Dr Sewsurn, dénonçant une communication qu’il juge trompeuse.

Il rappelle, par ailleurs que, quel que soit le statut social d’un patient, tous reçoivent le même traitement dans les hôpitaux publics. «L’insinuation selon laquelle certains seraient favorisés est inacceptable», a-t-il ajouté.

La «Special Monitoring Team» contestée

La crise s’est encore aggravée avec la mise en place par le ministère d’une Special Monitoring Team (SMT) pour surveiller le fonctionnement des hôpitaux. Pour Narendranath Gopee, négociateur syndical, cette initiative est perçue comme une véritable déclaration de guerre. «Alors que le système de santé est déjà en soins intensifs, le ministre préfère instaurer une équipe de surveillance. C’est incompréhensible», s’indigne-t-il.

Il critique aussi le lancement précipité du système d’E-Health à l’hôpital de Flacq. «On a imposé ce changement sans concertation ni formation adéquate. Résultat : au lieu de simplifier, le système complique la tâche des médecins», déplore-t-il.

Le Dr Rishi Seesaha, représentant de la MHOA, abonde dans le même sens. Selon lui, le projet de digitalisation a été mal préparé. «Le principe du paperless est bon mais dans la pratique, on demande aux médecins d’imprimer des documents pour que les patients puissent aller chercher leurs médicaments. C’est absurde», lâche-t-il.

S’il reconnaît que la digitalisation est une avancée saluée dans le privé comme dans d’autres pays, il estime que le ministère a voulu aller trop vite. «Nous ne sommes pas contre la modernisation mais il fallait former le personnel et impliquer les syndicats. Et surtout, nous ne pouvons accepter l’attitude du ministre qui affirme : No retreat, no surrender. Ce n’est pas un champ de bataille», tranche-t-il.

Docteurs démotivés

Pour la FCSOU, la conséquence directe de ce climat de tension est une démotivation croissante parmi les médecins généralistes. Beaucoup refusent désormais de faire des heures supplémentaires, principalement pour des raisons de sécurité. «Ceux qui sont sous contrats n’ont même pas le droit de travailler le soir. Et même les médecins étrangers hésitent à venir car le système public ne les attire plus», affirme le Dr Sewsurn.

Malgré la colère, les syndicats ne ferment pas totalement la porte. «Nous sommes ouverts au dialogue mais nous n’avons jamais eu de rencontre officielle avec le ministre depuis sa prise de fonction», souligne la MHOA. Les médecins demandent une discussion franche, sans invectives ni jugements hâtifs.

Crise au SAJ hospital : le ministre promet des mesures rapides

Depuis deux jours, la situation est tendue au SAJ Hospital. Plusieurs médecins ont décidé de ne plus effectuer d’heures supplémentaires, un droit qui leur appartient. Mais cette décision a provoqué de longues attentes pour les patients, contraints de rester dans la douleur et l’incertitude. Face à cette crise, le ministre de la Santé a réagi fermement sur sa page Facebook. «Je ne peux rester indifférent. Je dois agir et prendre des décisions. Je ne permettrai pas que notre peuple soit privé de soins quand il en a le plus besoin», a déclaré Anil Bachoo.

Pour assurer la continuité des services, il a lancé un appel aux médecins d’autres hôpitaux afin de prêter main-forte à l’équipe du SAJ Hospital. Le ministre Bachoo s’est voulu rassurant : le problème devrait être résolu sous peu. Il a, par ailleurs, salué le sens du devoir et le patriotisme des médecins qui, ailleurs dans le pays, continuent d’assurer leurs heures supplémentaires avec constance.

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