Ile Maurice: Le bénéfice qui rassure trop vite

Vingt-deux millions d’euros de bénéfices. Le chiffre est net, présentable, rassurant. Il arrive à point nommé dans un pays où Air Mauritius demeure plus qu’une compagnie aérienne : un symbole national, une cicatrice politique, une ligne rouge budgétaire.
Mais à y regarder de près, ce bénéfice semestriel tient moins du redressement que du répit. Et les répits, surtout quand ils sont conjoncturels, sont souvent trompeurs.
Car derrière le chiffre, il y a la mécanique. Et la mécanique raconte une autre histoire. Ce résultat positif ne découle ni d’une reconquête commerciale, ni d’une amélioration sensible de la productivité, ni d’un redéploiement stratégique du réseau. Il est avant tout le produit d’une variable externe : la baisse du carburant. Près de 24 millions d’euros d’économies, offertes par le marché mondial de l’énergie, sans effort structurel particulier de la compagnie. Sans cet allègement, le bilan aurait été nettement moins flatteur.
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Les indicateurs opérationnels confirment ce malaise. Moins d’heures de vol, moins de passagers, un taux de remplissage en recul. Les revenus baissent, aussi bien sur le segment passagers que sur les activités annexes. Air Mauritius vole moins, transporte moins, encaisse moins – tout en affichant un bénéfice. Voilà le paradoxe. Voilà aussi le piège : confondre un soulagement comptable avec une guérison durable.
Le cargo, souvent relégué au second plan, illustre crûment ce décrochage. Alors que le fret aérien mondial a été l’un des moteurs les plus solides de la reprise post-Covid, Air Mauritius enregistre une chute de 17 % de ses revenus cargo. Ce recul survient au moment même où le commerce électronique, la recomposition des chaînes logistiques et les tensions géopolitiques soutiennent la demande mondiale. Là où d’autres compagnies ont fait du cargo un amortisseur stratégique, Air Mauritius semble avoir laissé filer une opportunité clé.
Le contraste avec le contexte international est saisissant. Le transport aérien mondial bat des records : plus de cinq milliards de passagers attendus en 2025, près de 40 milliards de dollars de bénéfices cumulés. Le secteur a non seulement absorbé le choc du Covid, mais il en est ressorti plus robuste qu’anticipé. Dans ce ciel dégagé, la compagnie mauricienne avance à vitesse réduite, comme si la piste était longue, mais l’élan insuffisant.
Dès lors, la vraie question n’est pas celle du bénéfice, mais de son usage. S’il sert à se rassurer, il est dangereux. S’il permet de différer les décisions difficiles, il est inutile. Air Mauritius reste confrontée aux mêmes défis : flotte à optimiser, réseau à rentabiliser, compétitivité à restaurer, gouvernance à clarifier. Et le temps, lui, ne joue jamais en faveur des compagnies immobiles.
Restructurée avec l’appui massif de l’État, Air Mauritius doit désormais autre chose qu’un simple chiffre positif. Le contribuable a payé pour éviter le crash, pas pour financer une illusion de redressement.
Un bénéfice conjoncturel est une bonne nouvelle. Croire qu’il suffit serait une erreur. Ce dont Air Mauritius a besoin, ce n’est pas d’un chiffre rassurant, mais d’un cap clair. Et, enfin, d’un vrai décollage.



