Ile Maurice: Des pertes à répétition – Le grand déclin de l'État

Les chiffres donnent le vertige. Entre 2015 et 2024, les Casinos de Maurice, sous la gestion de la State Investment Corporation Ltd (SIC), ont accumulé près de Rs 1,5 milliard de pertes. Une situation jugée «désastreuse» par le Premier ministre Navin Ramgoolam, qui a dénoncé au Parlement un manque flagrant de stratégie et de gouvernance sous le précédent gouvernement.
Selon lui, malgré des pertes répétées, aucune mesure corrective n’a été mise en place pendant des années. De 2015 à mi-2024, les déficits se sont succédé : Rs 59 millions, Rs 75 millions, Rs 133 millions, Rs 95 millions, Rs 117 millions, Rs 173 millions, Rs 211 millions, Rs267 millions, et enfin Rs 327 millions sur 18 mois jusqu’à juin 2024.Près d’une décennie d’hémorragie financière, sans véritable plan de relance.
Pour plusieurs employés proches du dossier, ces pertes s’expliquent par une série de mauvaises décisions et de dépenses injustifiées. Ils évoquent notamment des legal fees versés dans des affaires judiciaires perdues d’avance, ou encore la rénovation coûteuse du bâtiment administratif de Curepipe, transféré peu après vers un autre local appartenant à un proche d’un ancien député du Mouvement socialiste militant — pour un loyer mensuels estimé àRs 200 000.
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S’ajoutent à cela des salaires jugés excessifs, des postes créés inutilement et destravaux coûteux abandonnés, comme la construction d’une cloison démolie quelques mois plus tard. Une culture du gaspillage et de l’improvisation aurait ainsi plombé la viabilité du secteur.
Cette dérive ne date pas d’hier. Déjà,Rama Sithanen, alors ministre des Finances, avait été interrogé sur un poste de Head of Surveillance Department, qui, selon lui, n’existait même pas officiellement.
De dix casinos à quatre
En 2015, dix casinos d’État étaient encore opérationnels à travers l’île. Ils ne sont plus que quatre aujourd’hui : auCaudan, àDomaine Les Pailles, àGrandBaie et à Curepipe, où travaillent quelque 800 employés.
Les per tes s’élevaient déjà à Rs 100 millions en 2014, mais la dégringolade remonte à 2008, où les déficits atteignaient Rs 16 millions par an. Les revenus, eux, sont passés deRs 904 millions en 2008 à Rs 578 millions en 2013, avant d’afficher aujourd’hui une perte nette de Rs 327 millions à juin 2024.
Malgré ce sombre tableau, plusieurs employés estiment que le redressement reste possible. Ils suggèrent unplan de retraite pour les plus de 60 ans, afin de rajeunir le personnel, notamment les croupières. Ils suggèrent également de chercher un partenaire stratégique pour investir dans la modernisation des établissements — une option déjà envisagée par le gouvernement. Autres propositions : réviser les taxes et licences de jeu, limiter les permis des petits casinos, et moderniser les machines et infrastructures. ÀCurepipe, par exemple, des problèmes de sécurité liés à la présence de toxicomanes à proximité dissuaderaient la clientèle. Une campagne de marketing ciblée sur les touristes des hôtels cinq étoiles pourrait aussi redonner un second souffle à ces établissements.
Un plan de redressement en préparation
Consciente de la gravité de la situation, la SIC élabore un plan de redressement visant à réorganiser la structure et la gestiondes casinos, tout en réduisant les coûts d’exploitation. Un plan de retraite anticipée est également prévu pour alléger la masse salariale et amorcer une transition vers un nouveau modèle de fonctionnement.
L’objectif est clair :transformer un gouffre financier en secteur rentable. Reste à voir si, cette fois, la stratégie portera ses fruits — et si la chance finira enfin par sourire aux Casinos de Maurice.


