«MFA Volere», «MFA pigeons voyageurs», «MFA Mafia», «MFA manque communication». Les griefs que vous lisez habituellement dans les médias ou sur les réseaux sociaux ont été étalés au grand jour mercredi, à l’occasion d’un séminaire intitulé «L’expertise au service du sport», animé par Salim Baungally, journaliste à Canal +, destiné aux médias écrits et parlés, au Hennessy Park, à Ébène.
La Mauritius Football Association a pris les journalistes de sport de court en décidant de jouer carte sur table à la fin du séminaire et en ouvrant un débat sans filtre, sous les yeux d’un observateur extérieur : Salim Baungally, arbitre d’un match au sommet qui déchaîne régulièrement les réseaux sociaux.
Après avoir discuté des nouvelles formes de narration (storytelling, podcast, documentaires, formats vidéo longs ou courts, émergence de TikTok et conflit générationnel), de la technologie, du numérique et des réseaux sociaux (des fake news au phénomène Fabrizio Romano, véritable empereur des news du mercato), la discussion était passionnante et prenante. C’est pourtant le quatrième thème qui allait faire monter la tension et crever l’abcès : la relation entre journalistes et fédération.
Et bim, le pavé était jeté dans la mare ! Armés de kalachnikovs virtuelles, tous les participants pouvaient soudain tirer à balles réelles sur la MFA et exprimer toutes les frustrations renfermées depuis des lustres. Chouette, un peu d’action dans un séminaire (où l’on s’endort le plus souvent, de l’avis de plusieurs confrères du jour) !
En l’absence du président Samir Sobha (hors du pays), Didier Pragassa, de retour à la communication de la MFA, et le secrétaire général Nazir Bowud ont accepté d’aborder les sujets les plus délicats et de mettre à plat tous les problèmes rencontrés avec les médias.
Première salve. La MFA brasse des millions chaque jour et ses dirigeants s’en mettent plein les poches ? Ça commence fort ! On doit se pincer pour y croire. Mais toutes les parties ont enfin pu avoir ce débat dans un contexte civilisé, sans le venin et les insultes qui n’auraient pas manqué de voler sur Facebook, par exemple… «Oui, la MFA est la fédé la plus puissante du pays… Mais elle est aussi strictement contrôlée par la FIFA, qui vient régulièrement auditer les comptes de la MFA de façon inopinée», apprendra-t-on.
Pourquoi la MFA est-elle si opaque et ne communique-telle pas ? Pourquoi les choix des sélectionneurs sont-ils considérés comme secrets défense et ne sont-ils pas communiqués aux médias en temps et lieu ? Pourquoi le sélectionneur-fantôme du Club M n’a-t-il jamais été présenté à la presse ? Pourquoi les journalistes publient-ils des allégations non vérifiées, parfois erronées, concernant la fédé de foot, ou choisissent-ils de ne pas couvrir tel ou tel événement ?
Les échanges ont été francs et directs, chacun exposant ses problèmes et donnant sa version des faits. Discret et silencieux, l’avocat Salim Baungally y a ajouté son grain de sel en expliquant comment cela se passe en France, où la fédération ne répond pas non plus au pied levé aux journalistes, puisque c’est sa cellule de presse qui traite les doléances.
Le journaliste de Canal+ a aussi balancé quelques tacles glissés en direction d’André Onana : «Combien de buts va-til encaisser contre Maurice en octobre, celui-là ? Ce choc double Cameroun-Maurice qui se profile, c’est de l’or pour vous, médias : une chance incroyable avec deux joueurs de Manchester United face au Club M…»
Loïc Gangaram, du Défi Media Group, et Benoît Thomas, de l’express, qui couvrent le championnat au quotidien, ont aussi expliqué leurs points de vue. Vikash Bhageerutty, de la MBC, a parlé des contraintes qu’il avait pour couvrir les grands matchs lorsque ces derniers coïncident avec des événements d’actualité générale, qui ont préséance sur ses désirs. Il a aussi évoqué la couverture des matchs d’antan avec trois caméras à la MBC, chiffre passé aujourd’hui à une vingtaine, franchissant un cap qualitatif, même si beaucoup reste à faire.
Robert Deschambeaux, qui a commenté plusieurs des plus beaux matchs de l’histoire de notre football, et Abdoolah Earally, correspondant pour RFI, France 24 et TV5 Monde, ont également enrichi le débat en partageant leurs idées. De même que Reza Itoola et Jason Chellen, tous deux journalistes de sport et coachs en sport collectif. Les représentants d’une page de supporters sur les réseaux sociaux (Nou Konten Football Moris) et d’autres intervenants ont aussi contribué au débat.
En conclusion d’un séminaire marqué par l’ouverture d’esprit et le dialogue sans langue de bois, il ressort que les débats constructifs qui ont eu lieu pourraient conduire à plus de communication et de compréhension entre les médias et la fédé de foot. Plusieurs propositions ont été faites pour dépasser les critiques et travailler en synergie.
En attendant un effort de modernisation souhaitable des médias locaux traditionnels également, dans le traitement et les produits proposés, puisqu’ils possèdent une fiabilité et une crédibilité dont ne disposent pas les réseaux sociaux — même s’ils sont aujourd’hui clairement plus impactants et plus visibles. Plusieurs pas dans la bonne direction, donc, semble-t-il. Reste la réalité du terrain et les préoccupations de chacun. On en reparle au prochain match du Club M !