Ile Maurice: Caméras dans les bus – Inquiétudes autour des libertés individuelles

Il y a quelques mois, le ministre du Transport, Osman Mahomed, a annoncé l’introduction du Bus Service Bill, une réforme d’ampleur visant à moderniser le secteur des transports publics. Le gouvernement donne son feu vert à ce texte, appelé à transformer le réseau de bus.

Au programme : codes de conduite, procédures de licences simplifiées, encadrement des stand regulators et traffic officers, ainsi qu’un système de gestion de flotte. Côté usagers, la modernisation passera par l’installation de caméras CCTV, le suivi en temps réel des horaires et le paiement sans cash des tickets. Une nouvelle ère pour le transport public.

Ce projet de loi, présenté comme une réponse aux nombreux défis rencontrés par les opérateurs, les employés et les passagers, propose plusieurs changements majeurs : simplification des procédures pour l’obtention et le renouvellement des permis d’exploitation, mise en place d’un code de conduite encadrant le comportement des conducteurs, receveurs et passagers, et durcissement des sanctions contre les incivilités. Une démarche que le ministère qualifie de nécessaire pour professionnaliser le secteur et accroître la sécurité des usagers.


Suivez-nous sur WhatsApp | LinkedIn pour les derniers titres

Si les objectifs affichés suscitent globalement l’adhésion, la méthode utilisée par le ministre passe toutefois mal auprès du syndicat représentatif des travailleurs du transport. Sharvin Sunassee, négociateur syndical au sein de l’Union of Bus Industry Workers (UBIW), se dit ouvert au dialogue et à la réforme, mais déplore un manque criant de concertation.

«Nous ne sommes pas contre ces idées. Mais quand on défend les droits des travailleurs, il faut au moins les consulter. Le ministre ne peut pas ignorer les collective agreements et les Remuneration Orders déjà en vigueur dans le secteur. Nous lui avons écrit à deux reprises, sans obtenir de réponse», regrette-t-il.

Il y a quelques jours, Osman Mahomed a annoncé que le Bus Service Bill sera soumis prochainement au Conseil des ministres. Une étape qui inquiète le syndicat, toujours tenu à l’écart des discussions. «Nous comprenons qu’il faille protéger les passagers et les travailleurs, surtout avec les agressions récentes dans les bus et le métro. Mais on ne peut pas légiférer dans un secteur aussi sensible sans dialogue avec les représentants des employés», insiste Sharvin Sunassee.

Au-delà des conditions de travail, l’UBIW s’inquiète également des répercussions sur la vie privée des passagers. Le projet prévoit en effet l’utilisation de caméras de surveillance dans les autobus. «Les bus Yutong circulant déjà à Maurice sont équipés de six caméras installées d’usine.

D’autres compagnies, hormis la CNT, envisagent de s’équiper. Mais nous n’avons aucune précision sur le type de caméras retenues, ni sur leur usage. Le ministre a indiqué qu’il n’y aurait pas de surveillance en direct, seulement des enregistrements 24h/24 accessibles en cas d’enquête. Mais tout cela reste flou», souligne le syndicaliste.

Réforme sans dialogue

Pour lui, plusieurs questions demeurent sans réponse : que filmeront exactement ces caméras ? Les conversations des passagers seront-elles enregistrées ? Ce dispositif risque-t-il de porter atteinte à la liberté d’expression et à l’intimité des voyageurs ? «Selon la Constitution, chaque citoyen a droit à la liberté de mouvement et d’expression. Nous craignons que l’on dérive vers une forme de voyeurisme si rien n’est encadré clairement», alerte-t-il.

L’UBIW précise qu’elle n’est pas opposée à l’installation de caméras, mais réclame un encadrement précis. Elle propose ainsi un modèle plus restreint, avec trois caméras fixes : une à l’entrée pour identifier les visages, une à l’arrière pour enregistrer de dos les passagers et une troisième près de la cabine du chauffeur, activée uniquement en cas d’incident grâce à un bouton d’alerte relié directement à la police. «Ce système, couplé à un panic button, permettrait de sécuriser passagers et employés sans compromettre leurs libertés», plaide Sharvin Sunassee.

Le syndicat appelle également à d’autres mesures pratiques, comme l’installation de coffres sécurisés dans les autobus afin que les receveurs puissent y déposer les recettes et réduire les risques de vol ou d’agression.

En attendant, l’UBIW espère que le ministre acceptera d’ouvrir le dialogue avant que le Bus Service Bill ne soit finalisé. «Nous ne sommes pas contre la modernisation. Mais nous voulons être certains que la réforme protégera réellement les usagers comme les travailleurs», conclut le syndicaliste.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to top
Close