Ile Maurice: Budget d'austérité, police discréditée

Le Budget sans amortisseur. Il y a les grandes déclarations. Et puis il y a les petites lignes. Le Finance Bill 2025 dit tout haut ce que le peuple ressent tout bas : la rigueur budgétaire est bel et bien là. Mais elle frappe d’abord ceux qui n’ont ni voix, ni marge, ni fiscaliste. Ce n’est pas un budget pour les gens, c’est un budget pour les courbes.

Oui, les hauts revenus sont visés. Oui, les multinationales devront payer leur part. Et oui, le gouvernement cherche à redresser la barre après des années de cavalerie budgétaire. Sur le papier, on coche toutes les cases : discipline fiscale, réformes structurelles, conformité avec l’OCDE. Mais dans la vraie vie, ce sont les abonnements Netflix, les primes d’assurance, les voitures reconditionnées qui grimpent.

Derrière la Fair Share Contribution, les hausses de TVA et les taxes sur les véhicules, ce sont des coups de canif dans le quotidien des classes moyennes. Le rêve d’un leasing ? Reporté. Le confort d’un abonnement musical ou d’un jeu vidéo ? Taxé. La location d’un appartement en hausse à cause des droits d’enregistrement ? Probable.

Le Finance Bill est intelligent. Mais il manque de coeur. Il est stratégiquement pensé, mais socialement désincarné. Il dit vouloir protéger les plus vulnérables. Peutêtre. Mais si les grandes entreprises absorberont, les ménages, eux, devront compter chaque sou.

Et c’est là que le bât blesse : on parle de justice fiscale sans l’accompagner de justice sociale. On ne touche pas aux privilèges politiques. On ne réforme pas les pensions dorées. On continue à faire peser la consolidation budgétaire sur ceux qui n’ont pas les moyens d’optimiser.

Ramgoolam a peut-être raison sur le fond : on ne peut pas continuer à distribuer ce qu’on n’a pas. Mais à force d’envoyer des signaux aux marchés, il oublie les messages à adresser au peuple. Les effets d’annonce ne suffisent pas. Il faut des gestes concrets. Car ce budget, sans amortisseur social visible, risque d’étouffer ceux qu’il prétend sauver. Et de transformer une ambition nationale en punition quotidienne.

La police déshonorée

Qui peut encore faire confiance à une institution policière dont les plus hauts gradés sont soupçonnés d’avoir siphonné l’argent public à coups de Reward Money ? Rs 160 millions pour l’un, Rs 76 millions pour un autre, Rs 22 millions ici, Rs 4,5 millions là. Ce ne sont pas des primes. Ce sont des butins. Ce ne sont pas des héros de la lutte antidrogue, ce sont des mercenaires en uniforme, promus à coups de faveurs politiques, nourris par un système clanique où la loyauté prime sur l’intégrité.

Le cas de l’ACP Dunraz Gangadin cristallise cette dérive. Patron autoproclamé de la Special Striking Team, avec dans ses rangs le notoirement connu Jagai, il s’est imposé comme un flic aux méthodes musclées, allant jusqu’à défier le bureau du DPP en pleine cour. L’affaire Reward Money révèle désormais l’envers du décor : des millions détournés, des chèques émis depuis le compte du commissaire de police, des transferts suspects, des retraits massifs avant les élections… et une FCC qui, enfin, gratte là où ça fait mal.

Ce scandale n’est pas un accident. Il s’inscrit dans un continuum : arrestations abusives, justice sélective, dérives communautaires, deux poids deux mesures. Une police instrumentalisée, qui protège les puissants et harcèle les citoyens engagés.

Comment restaurer la confiance ? Cela commence par rompre avec les nominations partisanes. Le commissaire de police ne peut plus être un soldat du régime. Il doit être un professionnel, indépendant, respecté. Ramgoolam l’avait promis. Il ne peut plus temporiser.

Mais au-delà des hommes, c’est tout le système qu’il faut refonder. Il faut créer une véritable police des polices, indépendante, ouverte à la veille citoyenne. Donner à la FCC – et à une structure civile – les moyens d’enquêter, de prévenir, de sanctionner.

Car à ce rythme, ce ne sont pas que les policiers qui tombent. C’est tout un État qui s’effondre dans la défiance. Et aucun investisseur sérieux ne viendra miser sur une démocratie où même la police détourne l’argent de la République.

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