Ile Maurice: Arveen Nagadoo – «Good Council n'avait coûté que 150 000 rands en tant que yearling »

Le jeune entraîneur Arveen Nagadoo a aujourd’hui la tête dans les étoiles. Et on le comprend aisément. Le plus jeune professionnel en activité au Champ-de-Mars vient en effet de remporter la plus prestigieuse course du calendrier hippique : la mythique Maiden Cup. Dans cet entretien réalisé 48 heures après la victoire de Good Council, il revient sur l’acquisition du cheval et sur sa marche triomphale vers ce succès historique. Il évoque également en détails sa nouvelle écurie et ses ambitions pour l’avenir
Vous avez réalisé l’exploit de remporter le Maiden avec votre tout premier partant, Good Council. On imagine que même deux jours après l’événement, vous êtes encore sur un petit nuage…
(Souriant et fier) Effectivement. Remporter la plus grande course du calendrier hippique est quelque chose de vraiment exceptionnel. Ce qui rend cette victoire encore plus spéciale, comme vous l’avez souligné, c’est qu’elle a été obtenue avec mon tout premier partant dans le Maiden. Je suis très heureux pour toute l’équipe. Nous travaillons avec Good Council depuis deux mois pour le Ruban Bleu et gagner une course que nous avions clairement visée procure une immense satisfaction. Je précise toutefois que lorsque nous avons fait venir Good Council et Meridius, nous savions au vu de ce qu’ils avaient réalisé en Afrique du Sud qu’ils auraient tous deux leurs chances dans les courses classiques cette saison.
Étiez-vous confiants en ses chances dimanche ?
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(Direct) Oui, nous étions très confiants concernant Good Council. Il avait été malchanceux à plusieurs reprises depuis son arrivée chez nous, et lors de sa dernière sortie, il avait été mal monté. Le cheval était dans une forme splendide. Il lui fallait simplement un peu de chance.
Concernant la tactique, j’avais déjà en tête la manière de le courir depuis le Supertote Golden Trophy. Il fallait qu’il parte à l’avant. J’avoue avoir eu un moment d’inquiétude lorsque j’ai vu Holy Warrior dans les entrées, mais heureusement pour nous, il a finalement été aligné dans une autre course. Au final, tout s’est déroulé comme prévu et Good Council a remporté une très belle victoire. Je suis très content pour lui, il le mérite pleinement.
On peut dire que l’histoire entre la famille Nagadoo et le Maiden se poursuit…
(Rires) Oui, tout à fait ! Mon oncle Praveen Nagadoo a remporté le Maiden avec River Run. Mon autre oncle, Samraj Mahadia, l’a gagné deux fois avec Have Mercy. Mon grand-père était le palefrenier d’Azul. Et aujourd’hui, je décroche ce Ruban Bleu en tant qu’entraîneur. Ma grand-mère est d’ailleurs très heureuse : à 82 ans, elle suit toujours nos performances de très près.
Mme Pawan Nagadoo, la grand-mère d’Arveen Nagadoo, posant fièrement avec la Maiden Cup et le jockey Raymond Danielson.
Comment avez-vous mis la main sur Good Council pour le compte du River Palace Syndicate ?
J’ai acheté Good Council et Meridius la même année. J’étais chez Ashley Fortune et je lui avais fait part de mon intention d’investir dans des yearlings. Elle avait préparé une liste de chevaux qu’elle appréciait. J’avais la mienne et Good Council figurait parmi nos favoris communs. Le seul hic, comme elle me l’avait dit, c’est qu’il risquait de coûter cher. Finalement, nous l’avons acquis pour 150 000 rands. Je n’ai pas pu l’acheter seul, donc je me suis associé à quelques propriétaires sud-africains, dont Dylan Chinasamy, un important propriétaire là-bas. Jamais je n’aurais pensé qu’il deviendrait un stayer. C’est lorsqu’il a gagné sur 2000 mètres par six ou sept longueurs que nous avons compris que nous avions un vrai cheval de fond. J’ai depuis commencé à nourrir des ambitions dans le Maiden avec lui.
Avez-vous des craintes qu’il manque de fraîcheur après plusieurs courses de prestige avant le Maiden ?
(Confiant) Honnêtement, non. Après le Supertote Golden Trophy, il était un peu fatigué, oui, alors je l’ai envoyé une semaine au bord de la mer, à Poste Lafayette. Il a simplement marché dans l’eau tous les jours pour se détendre. Quand nous avons repris le travail, c’était un tout autre cheval. Ce séjour lui a fait un bien énorme. Un jour, il avait fait un excellent travail avec Bhavish Gooljar en selle. Sur ce travail-là, je savais qu’il allait etre un hard nut to crack in the Maiden Cup.
À quel moment avez-vous été confiants pendant la course?
(Se redressant) Je dirais lorsqu’il a pris la direction des opérations. À ce moment-là, je savais que ses adversaires allaient devoir venir le battre. J’avais longuement parlé avec Ryan Munger, qui a déjà gagné avec lui et qui est désormais au Canada, ainsi qu’avec son ancien entraîneur, Ashley Fortune. Les conseils de Ryan ont été particulièrement précieux.
En tant que jeune entraîneur, comment avez-vous géré la pression avant une course aussi importante ? À partir de vendredi, j’ai commencé à sentir la pression, mais je savais que nous avions des chances réelles. J’avais même dit à mes propriétaires que nous allions terminer premier ou deuxième. Je n’ai jamais sous-estimé nos adversaires. Il y avait notamment Zeus, qui nous avait battus à deux reprises en Afrique du Sud. S’il retrouvait cette forme, il pouvait nous battre. Pour moi, c’était clairement un duel à deux. Mais j’étais confiant qu’on avait tout fait correctement pour la course.
Est-il vrai que vous avez avancé la date de votre mariage à cause du Maiden ?
(Rires) Oui, c’est vrai ! Nous devions nous marier le 16 novembre, puis il y a eu un amendement au calendrier et le Maiden a été fixé ce jour-là. J’en ai parlé à ma future épouse et nous avons avancé la date d’un mois. Le mariage a finalement eu lieu le 16 octobre, Je savais que gérer le Maiden et un mariage le même jour serait impossible.
«Nous devions nous marier le 16 novembre, puis il y a eu un amendement au calendrier et le Maiden a été fixé ce jour-là. J’en ai parlé à ma future épouse et nous avons avancé la date d’un mois.»
Quand reverrons-nous Good Council en piste ?
Je ne peux malheureusement pas répondre à votre question maintenant. J’attends de voir comment il a récupéré de la course du Maiden. S’il en sort fatigué et manque de fraîcheur, nous allons lui accorder un repos bien mérité et vous le reverrez la saison prochaine. S’il a bien pris sa course, on va peut-être l’aligner dans la Coupe D’Or.
Raymond Danielson sera-t-il parmi nous la saison prochaine ?
Je n’ai pas encore pris de décision concernant le jockey pour la prochaine saison. Bien sûr, on considère la possibilité de le faire venir la saison prochaine. Du reste, je lui ai déjà dit que s’il donne satisfaction, nous n’hésiterons pas à l’embaucher à nouveau.
Un mot sur votre quadruplé ce jour-là ?
C’était la cerise sur le gâteau. Les chevaux étaient bien, et la chance a été de notre côté. Nous avons souvent joué de malchance cette saison, et dimanche, c’était un peu « notre journée ». J’avais d’ailleurs annoncé à mes propriétaires que nous allions bien faire lors de cette réunion.
Votre première saison dépasse toutes les attentes. Quels sont vos objectifs pour la prochaine ?
L’objectif est de continuer à progresser. Nous avons acheté plusieurs jeunes chevaux pour les voir s’épanouir chez nous. Cinq sont déjà à Maurice, trois encore en Afrique du Sud, et un yearling se trouve chez Tony Peter. Nous comptons acheter encore quatre chevaux. Avec ce que nous construisons, je pense que nous pouvons légitimement revoir nos ambitions à la hausse.
Votre père, l’ex-jockey Naveen Nagadoo, semble très impliqué dans l’écurie…
Oui, c’est mon bras droit. Il est présent tous les matins, même le dimanche. Il m’arrive de lui demander de prendre un jour de congé, mais il refuse ! Son apport est inestimable. Pour lui, ce n’est pas un travail, c’est une passion.
Avez-vous toujours rêvé de devenir entraîneur ?
Non. Je voulais devenir jockey comme mon père, mais il m’en a toujours dissuadé. J’ai donc poursuivi mes études et je suis parti au Canada suivre des cours en conseil financier. J’ai même travaillé dans une banque. Puis, le Covid a tout changé. Nous avions plusieurs chevaux en Afrique du Sud, dont Twist Of Fate, et nous avons décidé de les emmener à Maurice. J’ai alors commencé à envisager la création d’une écurie familiale. J’ai intégré le yard de Vincent Allet comme stagiaire, où nous avons gagné la Duchesse. Ensuite est venue l’ouverture de l’écurie Mahadia. Mon oncle m’a proposé le poste de stable supervisor, puis avec le temps et l’expérience, je suis devenu assistant-entraîneur.
Votre écurie compte de nombreux jeunes propriétaires. C’est assez rare…
Chaque écurie a sa façon d’opérer. De mon côté, j’essaie d’éduquer mes propriétaires. Beaucoup pensent qu’il est facile de gagner de l’argent aux courses, mais ce n’est pas le cas. Il faut d’abord aimer les chevaux. J’encourage mes propriétaires à assister aux entraînements les mardis et vendredis. Ce sont surtout les jeunes qui viennent vers moi, sans doute parce que je suis un jeune moi même. Je terminerai avec un clin d’œil à un jeune propriétaire, Akshaye Raojee. Il me demandait souvent le prix d’une part de cheval, mais il n’était pas encore prêt. L’an dernier, il a finalement pris une part de Good Council… et aujourd’hui, il a gagné le Maiden !


