«Il faut que les jeunes participent à ce renouveau de Madagascar», estime la militante Mbolatiana Raveloarimisa

Mardi soir 14 octobre, quelques heures à peine après sa déclaration de prise de pouvoir, le colonel Michael Randrianirina a démarré les rendez-vous avec la population. Au CAPSAT, des centaines de personnes se sont donc déplacées pour venir lui parler. Dans la file d’attente, des aînés, des universitaires, des personnalités politiques, des juges de la Haute Cour constitutionnelle (HCC), et beaucoup de jeunes. Mbolatiana Raveloarimisa, figure éminente de la société civile et militante des droits des femmes, est venue avec une quinzaine de jeunes, représentatifs de la Gen Z, pour rencontrer les autorités militaires pour la première fois. Il a été convenu qu’elle assurerait désormais la liaison entre la Gen Z et le colonel.
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RFI : Hier soir, vous avez pu rencontrer des militaires avec des représentants de la Gen Z…
Mbolatiana Raveloarimisa : Les jeunes ont pu prendre la parole. Donc, on va collaborer pour finaliser une feuille de route ou les axes stratégiques pour pouvoir faire avancer le pays, mais surtout pour que les jeunes participent à ce renouveau de Madagascar et qu’ils ne soient pas comme de la crème sur la cerise.
Comment le colonel et ses hommes vous ont-ils reçu ? Et vous ont-ils, selon vous, perçus ?
Il était à l’écoute. Par contre, parmi ceux qu’on a rencontrés, il y a toujours ce discours un peu paternaliste, genre : « oui, quand on était jeune comme vous … » On sent un peu qu’il n’y a pas encore cette discussion d’égal à égal, ce que les jeunes ont souhaité toujours faire. Je pense que les jeunes doivent maintenant revendiquer cette place et aussi pouvoir démontrer qu’ils peuvent prendre des décisions, en commun accord avec les autres parties. Que ce soit la société civile, les militaires ou d’autres acteurs.
Quels ont été les sujets abordés ?
Il y a eu vraiment des discussions très basiques. Les jeunes ont bien mis sur la table qu’il faut faire des actions structurelles, mais aussi dans l’urgence. Par exemple, des actions sur l’eau, l’électricité, qu’il n’y a plus dans les campus, ou également le fait que les campus tombent en ruine.
L’objectif, on le sait que trop bien, c’est que la Gen Z ne se fasse pas déposséder de son combat. Et surtout des valeurs pour lesquelles elle a lutté. Avez-vous la sensation qu’elle sera consultée dans les grandes décisions de ce nouveau régime en cours de formation ?
Il a été bien dit que la désignation du Premier ministre doit être en discutée avec la Gen Z. Donc, pour nous, quand il y aura des noms ou des décisions à prendre, nous devons être là. Sincèrement, je pense que pour pouvoir bien avancer d’une manière lucide, il faut prendre le temps. On ne peut pas pondre quelque chose pour 2 ans / 3 ans de changement en une journée ou deux journées. Je pense que ça peut aller jusqu’à une semaine, voire quelques semaines en plus. Il y a beaucoup de discussions à avoir, surtout par rapport aux jeunes et aux gens qui sont dans les autres régions. Parce qu’on ne peut pas tout faire, juste à Tananarive. Il vaut mieux ne pas se précipiter parce qu’il y a beaucoup à perdre.
Vous héritez de cette fonction de point focal entre le colonel et les jeunes pour gagner en efficacité. Quels conseils donnez-vous à cette Gen Z que vous mentorez ?
La guerre pour eux commence, parce que je leur ai expliqué que la liberté ne se donne pas. Il faut la prendre à l’arraché. Donc, ils sont la cheville ouvrière du combat. Il faut qu’ils prennent leur place à l’arraché parce que personne ne va leur donner les choses, comme des chaises d’or. Les politiciens vont tout faire, même les militaires vont essayer de ne pas trop chambouler les jeunes, tout en les écartant petit à petit. C’est le jeu du pouvoir, c’est un jeu politique également.
Il y aura toujours coups par ici, des coups par là. C’est la situation. Il faut composer pour que les bailleurs puissent donner la crédibilité à ce qui se passe, parce que, sinon, on va tous perdre d’une manière ou d’une autre.
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