Héritage d’Alain Delon : la saga judiciaire qui déchire la fratrie d’un mythe du cinéma


Figure légendaire du 7ᵉ art, l’acteur Alain Delon reste, dans les mémoires africaines, au-delà d’un simple visage de cinéma. Il fut, dans les années 60 à 80, l’incarnation d’un certain idéal masculin : celui du justicier élégant, froid mais charismatique, dans des polars où sa démarche féline et son regard perçant faisaient vibrer les cinéphiles de Dakar à Kinshasa, en passant par Abidjan et Ouagadougou. Mais derrière l’image du « Samouraï » du grand écran, c’est aujourd’hui un tout autre scénario qui se joue, plus familial que cinématographique, et résolument tragique.
L’ombre du mythe : une famille déchirée
Depuis la disparition d’Alain Delon en 2024, l’icône française laisse derrière lui non seulement une œuvre monumentale, mais aussi un héritage au cœur de querelles judiciaires. Si l’acteur, autrefois adulé sur le continent africain pour sa classe et son autorité tranquille, a su incarner la cohésion dans ses rôles, sa propre famille semble aujourd’hui peiner à trouver l’unité.
Le dernier rebondissement en date vient de Genève. La justice helvétique vient de déclarer recevable la plainte déposée par Anthony et Alain-Fabien Delon contre Maître Christophe Ayela, l’avocat chargé d’exécuter le testament de leur père. Les deux frères contestent vigoureusement son rôle, estimant que ce dernier n’était plus l’avocat d’Alain Delon depuis 2024, et surtout, qu’il existerait un conflit d’intérêts d’envergure, Ayela ayant défendu leur sœur Anouchka dans un différend familial antérieur.
Une querelle d’héritage, mais aussi de mémoire
À l’image de certaines histoires africaines où les partages d’héritage se transforment en affaires de dignité, les fils Delon ne s’arrêtent pas à la contestation de l’exécuteur testamentaire. Alain-Fabien, le benjamin, a lancé une procédure devant le tribunal judiciaire de Paris pour faire annuler le testament, ainsi qu’une donation effectuée au bénéfice de sa sœur, en 2023. Selon son avocate, il n’aurait eu connaissance de ces actes qu’après la mort de leur père.
Dans ce testament, Anouchka hérite de 50% de la fortune de l’acteur, tandis que ses frères reçoivent chacun 25%. Mais le plus jeune conteste la validité du document : selon lui, l’acteur n’aurait plus eu toutes ses facultés mentales au moment de signer, affaibli par un accident vasculaire cérébral et des hospitalisations répétées. Des rapports médicaux viennent étayer ses propos. L’affaire sera examinée au fond en mars 2026, à Paris.
Une fratrie en crise, l’union impossible
À bien des égards, ce conflit n’est pas seulement financier. Il témoigne d’un profond éclatement familial. Les trois enfants d’Alain Delon, malgré une trêve observée au moment des obsèques, n’ont pas su préserver le dialogue. En février dernier, Alain-Fabien confiait dans Paris Match : « Plutôt que de nous rapprocher, la mort de papa nous a divisés encore plus ». Un aveu qui en dit long sur les blessures.
Quant à Anouchka, elle affirme que le deuil prime sur les querelles, et que chacun vit cette perte à sa façon. Une déclaration qui sonne comme un appel à l’apaisement, mais qui n’a visiblement pas suffi à désamorcer les tensions.
Le héros qu’on ne voulait pas voir partir ainsi
Sur les rives du fleuve Congo comme dans les quartiers populaires de Bamako, on se souvient d’un Alain Delon majestueux, mystérieux, en trench coat ou costume bien taillé, traquant les malfrats ou séduisant d’un simple regard. Que ce soit dans « Le Clan des Siciliens » ou « Plein Soleil », il inspirait force et respect. Voir aujourd’hui son nom mêlé à des litiges familiaux fait mal à ceux qui l’avaient élevé au rang de modèle.
Dans les cultures africaines, l’unité familiale après le décès d’un parent est sacrée. Elle permet de perpétuer l’honneur du défunt et de protéger l’héritage non seulement matériel, mais aussi moral. Or, dans le cas de Delon, c’est justement cette image d’honneur et de respect qui vacille. La justice tranchera. Plusieurs procès sont déjà programmés en 2026, tant à Paris qu’à Genève.
« Que la paix vienne reposer sur le nom du vieux lion »
En attendant, le nom d’Alain Delon, qui évoquait autrefois l’élégance et la droiture, se retrouve tiraillé entre accusations, ressentiments et secrets de famille. Mais pour ses admirateurs d’Afrique et d’ailleurs, il restera ce monolithe du cinéma, ce chevalier urbain des années noires et blanches, dont la mémoire mérite mieux que ces règlements de comptes. Et comme on le dirait à Abidjan ou à Lomé : « Que la paix vienne reposer sur le nom du vieux lion ».