Hakim Arezki, le cécifoot pour retrouver la lumière après les ténèbres

Du Printemps noir en Kabylie en 2001 à sa médaille d’or paralympique en cécifoot, Hakim Arezki, rendu aveugle par une blessure policière, raconte son histoire bouleversante dans le livre Renaître dans la nuit.  

Publié le :

5 min Temps de lecture

Azazga, Kabylie, année 2001. Lors des événements du Printemps noir, – des émeutes nées de la mort d’un lycéen dans une gendarmerie, réprimées dans le sang par le régime -, en pleine jeunesse, Hakim Arezki participe à une marche pour lutter contre les discriminations envers la communauté berbère. C’est à ce moment-là que sa vie bascule.

À 18 ans, deux balles l’atteignent, une dans la cheville, l’autre en plein visage. Le nerf optique est sectionné, il perd la vue, sa vie bascule. La répression du Printemps noir fera 126 morts et plus de 5 000 blessés. Avec Renaître dans la nuit, Hakim Arezki raconte sans détours sa descente aux enfers et sa renaissance jusqu’à l’or paralympique avec le maillot de l’équipe de France sur les épaules.

Hakim Arezki avec son père.
Hakim Arezki avec son père. © XO Editions

Raconter ce long voyage vers une deuxième vie était une nécessité pour ce fan du chanteur kabyle Lounès Matoub, symbole de liberté, assassiné le 25 juin 1998, porte-parole de la cause berbère, de la défense de la langue amazigh, en constante opposition avec le pouvoir algérien.  

« Il n’y a pas que l’identité, la culture, l’histoire, il y a aussi la vie, tout simplement. On s’est aussi battu pour vivre dignement dans toute l’Algérie, assure Hakim Arezki. Voilà un moment que je voulais raconter ce qui s’est passé en Algérie à cette époque. Je voulais parler de mon parcours, des hauts, des bas. Raconter cette histoire de 24 ans qui s’est conclue avec la médaille d’or. »

« Je ne suis pas une espèce de Superman »

En Algérie, on avait l’intention de lui arracher les yeux à l’hôpital. Arrivé quasiment mort à Orly pour se faire soigner grâce à son père qui vivait en banlieue parisienne, il passe à côté de l’amputation d’une jambe.

Le jeune homme aura connu le déracinement avant d’épouser la France, son histoire et ses traditions. Une France qui lui a permis à l’époque d’espérer renaître, car comme il le précise : « Être handicapé dans la culture de chez moi au début des années 2000, c’était souvent synonyme d’être quasiment mort. Heureusement, les choses ont évolué. »

Si son récit s’ouvre sur l’émotion intense, vécue et partagée avec un stade rempli de 13 000 personnes au pied de la tour Eiffel et des millions de téléspectateurs un 7 septembre 2024, Hakim Arezki, 42 ans, évoque surtout le dépassement de soi, l’envie de rester parmi les vivants. 

« Je ne suis pas une espèce de Superman qui a réussi à faire tout ça tout seul, souligne-t-il. À un moment, j’ai failli mourir. Peut-être que j’étais même mort quelques secondes. Et puis avec beaucoup d’années, beaucoup de travail, beaucoup de sueur, beaucoup de belles rencontres, beaucoup de décisions parfois difficiles à prendre, on arrive quand même à réaliser un rêve qui n’était même pas la liste à la base. »

Hakim Arezki à l'hôpital avec ses parents.
Hakim Arezki à l’hôpital avec ses parents. © XO Editions

Au début, il a fallu pour Hakim Arezki accepté ce destin tragique. Son refuge fut très longtemps la musique qui a apaisé sa détresse. Ensuite, il y a eu le cécifoot. Deux « béquilles » sur lesquelles il s’est appuyé pour trouver la force de vivre une autre vie.

À lire aussiJeux paralympiques: le cécifoot, la Tour Eiffel, et un spectacle garanti

Hakim Arezki avec l'équipe de France.
Hakim Arezki avec l’équipe de France. © XO Editions

« J’ai pleinement vécu ma vie et je l’ai vu se métamorphoser »

Une fois debout, Hakim Arezki a avancé et s’est dépassé. Avec le sport, il a appris à maîtriser ses douleurs « atroces », notamment à la jambe. « C’est ça qui m’a vraiment aidé physiquement à me relever. Et puis après, quand tu te sens bien physiquement, mentalement, ça va. Tu te fixes des objectifs ».

Ce père de famille ajoute : « Mes souffrances, à un moment donné, au lieu qu’elle soit ultra-lourde au point de t’enterrer vivant, au point de ne plus rien faire, je pense que j’ai réussi à les transformer en une espèce de motivation pour me prouver à moi et aux autres que je pouvais faire des choses. Prouver à ma famille qu’il ne faut pas qu’ils s’inquiètent. Il ne faut pas qu’ils soient tristes. Parce que je peux vivre, je peux sourire, je peux raconter une blague, je peux rigoler. »

Paris, octobre 2025. Hakim Arezki imagine-t-il comment sa vie aurait été différente sans ce drame de 2001 ? « Je l’ai fait deux ou trois fois, mais c’est une perte de temps infinie, sourit-il. J’ai zéro regret. À aucun moment, je ne voudrais revenir en arrière pour profiter différemment, vivre différemment. J’ai pleinement vécu ma vie et je l’ai vu se métamorphoser ». Et de conclure : « Je pense que l’on peut se relever de tout, sauf de la mort. »

Renaître dans la nuit.
Renaître dans la nuit. © XO Editions

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to top
Close