Guinée: un rapport d’Amnesty dénonce les abus envers les travailleurs de la Soguipah, géant étatique de l’huile de palme

L’ONG Amnesty International a publié jeudi 23 octobre un rapport documentant des atteintes aux droits humains au sein de la Société guinéenne de palmiers à huile et d’hévéas (Soguipah), une entreprise publique. Amnesty a voulu prendre au mot les autorités guinéennes, pour qui l’une des priorités du programme « Simandou 2040 » est le développement de l’agriculture. Mais les conditions de travail y sont, selon l’ONG, très dégradées et il y règne une omerta : les travailleurs ne critiquent pas publiquement la société par peur de représailles. C’est ce qu’explique le chercheur d’Amnesty Fabien Offner.

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De notre correspondant à Conakry,

RFI : Pourquoi vous êtes-vous intéressés à la Soguipah ?

Fabien Offner : La Soguipah est l’une des plus importantes sociétés d’État et elle est porteuse de symbole et d’exemplarité dans un contexte où les autorités de la transition ont régulièrement mis en avant le fait que l’exploitation des ressources naturelles pourrait permettre de mieux protéger les droits économiques et sociaux des Guinéens et des Guinéennes, notamment à travers le vaste projet Simandou 2040. La Soguipah est symbolique et exemplaire en raison de sa taille, de son nombre d’employés et de l’importance qu’elle a en Guinée forestière et en particulier dans la ville de Diécké et ses environs.

Quelles sont les principales atteintes au droit du travail que vous documentez dans le rapport ?

Ce qui est le plus choquant dans les conditions de travail, c’est la faiblesse des salaires. Des salaires qui sont inférieurs au salaire minimum interprofessionnel obligatoire (Smig). Nous avons vu plusieurs dizaines de bulletins de salaires inférieurs à ce Smig fixé à 550 000 francs guinéens (environ 55 euros), avec même parfois des salaires de base mensuels inférieurs à 100 000 francs guinéens (environ 10 euros).

Il y a aussi un manque d’équipements de protection individuels dans les plantations et à l’usine, alors que les travailleurs sont exposés à des produits chimiques potentiellement dangereux. Les accidents du travail sont par ailleurs assez nombreux.

On documente aussi la question plus large de l’accès à la santé : les postes de santé au sein de la cité ouvrière de la Soguipah manquent d’un peu de tout.

Votre rapport se penche aussi sur la question des expulsions forcées et de la liberté d’expression.

L’État a octroyé, depuis très longtemps déjà, des milliers d’hectares à la Soguipah pour lui permettre d’exploiter l’hévéa et le palmier à huile. Ce que nous avons constaté, c’est que de nouvelles expulsions de terres ont eu lieu récemment, par exemple en 2021 à Galakpaye et à Ballan, où des personnes ont été dépossédées de leurs terres sans juste et préalable indemnisation. Ce qui est contraire au droit international et aux lois guinéennes.

En dépit de ces abus et de ces problèmes, il y a une forme d’omerta à Diécké et dans ses environs concernant la Soguipah. Les gens ont peur de parler : ils craignent de subir des représailles professionnelles et administratives s’ils critiquent publiquement la Soguipah. Nous avons eu beaucoup de mal à accéder à certains témoignages parce que la Soguipah a tout fait pour que des personnes ne puissent pas critiquer. Cela a été le cas notamment avec une syndicaliste qui a été licenciée présumément de manière abusive après une publication sur Facebook qui dénonçait les conditions de travail des femmes de la Soguipah.

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