Guinée-Bissau : L'imbroglio post-électoral !

Le processus électoral du double scrutin, présidentiel et législatif de ce 23 novembre 2025 en Guinée-Bissau, vient de connaitre un coup d’arrêt net ce 26 novembre, soit 24 h avant la date annoncée par la Commission électorale nationale (CEN) pour la proclamation des résultats provisoires.
Ce qui, aux premières nouvelles, apparaissait comme un coup de bluff, tant la campagne électorale comme l’élection s’étaient déroulées sans de gros incidents, s’est révélé au cours des dernières 24 h comme un vrai coup d’État, à la grande surprise des observateurs eux-mêmes, car il n’y avait pas encore de contestation des résultats électoraux, qui d’ailleurs n’étaient pas encore proclamés, même si dans les deux camps adverses on criait déjà victoire, sur la foi des procès-verbaux qu’ils étaient censés détenir.
L’incrédulité est venue du fait que c’est le président sortant Umaro Sissoco Embaló lui-même qui en a fait l’annonce aux médias, à travers une interview, et surtout qu’il n’y avait pas de réaction officielle hormis un communiqué laconique de la CEDEAO. Mais passé ce moment, il faut s’interroger sur le « dessous des cartes » de cette nouvelle crise postélectorale en Guinée-Bissau, dont les signes avant-coureurs étaient en vérité perceptibles au regard du passé sociopolitique de ce pays.
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Pour la première fois dans l’histoire de ce pays, le PAIGC, parti historique, était exclu des joutes électorales en Guinée-Bissau suite, il faut le dire, à des manœuvres juridico-administratives, ayant conduit à déclarer son candidat Domingos Simoes Pereira et sa liste PAI-Terra Ranka, forclos.
Cette donne a constitué un tournant politique majeur pour qui connait la trajectoire de ce parti en Guinée-Bissau, ce que tous les acteurs ne pouvaient ignorer. Il ne s’agissait ni plus ni moins que de la mise à mort d’un parti, qui rien que par la symbolique qu’il incarnait dans l’histoire politique et de l’indépendance du pays, et son implantation nationale, ne pouvait être sans conséquence. Il s’y ajoute les liens intrinsèques qui existaient entre l’armée, composée pour l’essentiel d’anciens combattants de la lutte pour l’indépendance sur plusieurs générations, et le PAIGC.
D’ailleurs, l’armée de ce point de vue a été au cœur du pouvoir politique de tous temps, raison pour laquelle le pays n’avait connu jusqu’à l’élection de 2025 de processus de dévolution du pouvoir par la voie des urnes, deux fois successivement, ce qui hélas a été brutalement interrompu cette fois-ci.
Ainsi, en faisant le pari, en tout cas de prime abord, d’écarter le PAIGC parmi les candidats en lice (aucun ne se réclame du PAIGC, qui en plus ne sera pas au Parlement, alors qu’il a été le groupe majoritaire avant la dissolution de celle-ci), le signal qui était envoyé aux partisans de la ligne historique de gestion du pouvoir d’État, l’armée y compris, était terrible, eux qui voyaient ainsi leurs positions sur l’échiquier, pour ne pas dire leurs intérêts communs, menacées.
Par conséquent, sans même attendre les résultats du scrutin, l’armée, qui, il ne faut pas l’oublier, est un acteur central du jeu politique en Guinée-Bissau, est entrée en jeu, non sans susciter un grand scepticisme chez de nombreux observateurs.
La raison tient au fait que, d’une part, selon la presse, les principaux leaders, à savoir Umaro Sissoko Embaló, de même que Domingos Simões Pereira, le leader du PAIGC, sont en état d’arrestation et Fernando Dias, le challenger d’Embaló, recherché, et d’autre part, que l’ancienne garde présidentielle du président Embaló serait, selon les sources à Bissau, toujours en activité, au point qu’elle se serait rendue dans une radio catholique « Sol Mansi » pour interrompre ses programmes.
Autrement dit, la situation en cours, à la lumière des éléments de langage des nouveaux maitres de Bissau, laisse un peu perplexe quant à l’issue de ce coup d’État, qui n’a pas révélé tous ses contours.
En effet, dès leur première prise de parole, la junte évoque pêle-mêle des « menaces des lobbies du narcotrafic, et sur la sécurité, de lutte contre la corruption, pointe déjà un programme de gouvernance du pays, qui pourrait dépasser l’horizon d’un an retenu pour un retour à l’ordre institutionnel. Ce qui est hors de portée, si tant est qu’on devrait reprendre le processus électoral devant mettre en place les institutions.
Dans le cas d’espèce, en tout cas, il y a une jurisprudence « transitionnelle » en Afrique de l’Ouest, qui est synonyme d’un pouvoir configuré en mandats renouvelables. L’actuelle junte fera-t-elle exception ?
Les dynamiques internes à l’armée bissau-guinéenne, mais aussi des forces sociales permettront-elles d’arriver au terme de cet échéancier ? Rien n’est moins sûr.



