Guinée-Bissau: Ilidio Té Vieira nommé au poste de Premier ministre, la vie reprend dans la capitale

Les militaires qui ont pris le pouvoir en Guinée-Bissau ont annoncé, vendredi 28 novembre, la nomination d’un nouveau Premier ministre, Ilidio Té Vieira. Quant au président renversé Umaro Sissoco Embalo, on a appris jeudi qu’il était arrivé à Dakar. Fernando Dias, qui était son principal adversaire à la présidentielle, l’accuse d’avoir organisé le putsch pour masquer sa défaite électorale.
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Deux jours après que le Haut commandement militaire a renversé le président Umaro Sissoco Embalo en Guinée Bissau, les militaires ont annoncé, via un communiqué du président de la Transition, le général Horta N’Tam, publié à la mi-journée, la nomination d’un chef de gouvernement, vendredi 28 novembre. Il s’agit d’Ilidio Té Vieira, qui occupait jusqu’alors le poste de ministre des Finances. Le Haut commandement militaire a précisé que celui-ci conserverait également ce portefeuille, cumulant ainsi les deux fonctions.
La cérémonie d’investiture d’Ilidio Té Vieira s’est déroulée dans la salle principale du palais présidentiel de Bissau, où sont exposés les portraits des anciens dirigeants du pays, dont celui d’Umaro Sissoco Embalo. Le président de la Transition, le général Horta N’Tam, le nouveau chef d’état-major des forces armées, Tomas Djassi, ainsi qu’une dizaine de membres du Haut commandement militaire y ont assisté. Le général Horta N’Tam a décrit le chef du gouvernement comme un « bon travailleur » avec qui il souhaite continuer ensemble « dans un même navire ».
Le Premier ministre, qui a prêté serment après la photo officielle sur laquelle les militaires apparaissent le visage fermé et les traits tirés, n’a fait aucune déclaration : Ilidio Té Vieira s’est contenté de rester un peu en retrait pendant que les militaires annonçaient sa prise de fonctions.
Issu du Parti du renouveau social, Ilidio Té Vieira était le ministre des Finances du président renversé, Umaro Sissoco Embalo dont il était un homme de confiance. Il conserve ce portefeuille, qu’il cumule avec sa fonction de chef du gouvernement. Alors que le nouveau chef du gouvernement est décrit comme une figure centrale des relations entre la Guinée-Bissau et ses partenaires économiques et financiers, la nomination d’Ilidio Té Vieira est interprétée comme un geste de la junte destiné à rassurer la communauté internationale, mais aussi comme un moyen d’asseoir sa légitimité, à quelques jours de la visite annoncée d’une mission de médiation de la Cédéao à Bissau.
Les commerces ont rouvert à Bissau
Les Bissau-Guinéens, eux, ont pu ressortir vendredi matin et ont été autorisés par les militaires à rouvrir leurs commerces. Dans le centre de la capitale, les rues ont repris peu à peu leur couleur habituelle. Dans le Vieux-Bissau, les premiers cafés ont ouvert et ont installé leur terrasse dès 7h, constate notre envoyée spéciale sur place, Eva Massy. Aux abords du marché central, les vendeuses de bananes et de noix de cajou se sont réinstallées, posant leurs chaises à l’ombre de leur parasol. Les épiceries ont rouvert et les enfants ont repris le chemin de l’école, cartable sur le dos.
Même si les administrations restent paralysées et que les programmes des médias privés n’ont toujours pas repris, la vie semble donc avoir retrouvé un cours normal dans la capitale. Pourtant, les Bissau-Guinéens vivent désormais sous un régime militaire, et c’est précisément ce dont on discute ici, en plein centre-ville.
Un homme venu acheter du pain dans une boulangerie de quartier dit se méfier de ce retour apparent à la normalité. Selon lui, ce changement de gouvernance aura forcément des conséquences, ce qu’il regrette d’ailleurs. « Nous revenons peu à peu à une forme de normalité, mais on est toujours dans l’incertitude… Les militaires doivent rester dans les casernes et les civils doivent gouverner selon les lois du pays pour que nous puissions avancer en sécurité », affirme-t-il ainsi.
Un peu plus loin, un médecin qui n’a toujours pas repris son activité ne dit pas autre chose : « On a l’impression que tout est normal, mais les gens ont peur de sortir ou d’aller travailler. Regardez : la rue est presque vide. Personne ne sait ce qui peut arriver dans les heures qui viennent. Alors que le processus électoral devrait être en train de s’achever, on se retrouve à la place avec un pouvoir militaire ! Il faut donc attendre de voir ce que nous réservent les prochains jours. »
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Le Premier ministre sénégalais réagit à la situation en Guinée-Bissau
En session de questions-réponses face à une partie des députés à l’Assemblée nationale vendredi, Ousmane Sonko a évoqué les récents événements qu’il qualifie de « combine ». « En ce qui concerne la Guinée-Bissau, je vais rester bref, car ça relève des prérogatives du président de la République. La Cédéao a déjà fait un communiqué sur le sujet, mais il faut bien dire que ce qui s’est passé est une combine. Ce n’est pas normal. Ils ont même arrêté un homme, Domingos Perreira, qui n’était même pas candidat ! Il doit être libéré le plus rapidement possible. La Commission électorale devrait continuer à faire son travail afin de rendre au gagnant sa victoire. Le processus électoral devrait aboutir », a-t-il déclaré dans des propos recueillis par notre correspondante à Dakar, Pauline Le Troquier.
Alors qu’Umaro Sissoco Embalo a été exfiltré à Dakar jeudi soir grâce aux moyens et aux efforts du Sénégal, certaines voix reprochent à Ousmane Sonko un décalage avec la ligne officielle du régime, voire un dérapage irresponsable pour le pays. Une source proche du Premier ministre tempère. Ce dernier s’est exprimé « en toute liberté », dit-il, sans remettre en cause les démarches diplomatiques en cours. Et de rappeler que « l’accueil de chefs d’État déchus ou en exil est une pratique bien connue au Sénégal. »
De son côté, Bassirou Diomaye Faye est attendu à Bissau dans le cadre d’un comité restreint de médiation de la Cédéao. Une organisation déjà critiquée par Ousmane Sonko pour sa gestion des crises dans la région.



