Guinée Bissau: Présidentielle – Un scrutin sans enjeu ni suspense

Après un report de plusieurs mois, officiellement dicté par des impératifs sécuritaires, la Guinée-Bissau a finalement organisé ses élections présidentielle et législatives, le dimanche 23 octobre 2025, dans un climat de normalité apparente, avec seulement quelques accrochages pendant la campagne et devant certains bureaux de vote, qui n’ont rien de comparable aux turbulences auxquelles ce petit pays lusophone d’Afrique de l’Ouest nous a habitués.

On peut donc se féliciter du fait que cette échéance électorale tant redoutée s’est terminée sans chaos majeur, alors qu’on s’attendait au pire, avec des élections biaisées en amont, des contestations en aval, et une spirale de violences qui engloutit tout sur son passage le jour du scrutin. Espérons que lorsque les résultats seront proclamés, les frustrations ne vont pas se cristalliser pour ouvrir la porte aux démons du passé qui pourraient encore faire sombrer le pays.

Plusieurs candidatures lourdes ont été disqualifiées

En attentant le score de chacun des douze candidats en lice pour cette compétition présidentielle sans véritable enjeu ni suspense, et de celui des centaines de postulants pour les 102 sièges de l’Assemblée nationale, la Guinée-Bissau retient son souffle, surtout que le président sortant a réussi le tour de force de remodeler le terrain électoral à son avantage, et de faire écarter les opposants les plus sérieux, avant même que la partie ne commence.


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Sous prétexte de conformité administrative, en effet, plusieurs candidatures lourdes ont été disqualifiées, pour faire place nette à un champ de bataille où l’opposition se retrouve fragmentée et donc forcément affaiblie, dispersée entre des figures sans réelle envergure nationale. Et pour la première fois dans l’histoire de la Guinée-Bissau, le parti le plus ancien et le plus influent, le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), pour ne pas le nommer, sera absent de la course à la présidentielle, son candidat ayant été recalé par la Cour suprême en raison du dépôt tardif de son dossier.

Pour toutes ces raisons, beaucoup d’observateurs estiment que ce scrutin présidentiel qui aurait dû être un moment de consolidation démocratique, ressemble davantage à une chorégraphie scrupuleusement orchestrée par le pouvoir pour permettre au président sortant Umaro Sissoco Embalo de devenir le premier chef d’Etat à effectuer deux mandats successifs, depuis l’instauration du multipartisme en 1994 dans ce pays politiquement fragile et chroniquement instable. Il est a priori le grandissime favori de la compétition, mais Umaro Embalo n’est pas totalement à l’abri d’une surprise et d’un scénario à la gambienne, qui avait vu les urnes renverser les certitudes avec la défaite inattendue du tout-puissant Yahya Jammeh en 2016.

Les chances de l’opposition de l’emporter sont minces

Le simple fait qu’Embalo ait juré de ne faire qu’un seul mandat avant de céder à la tentation d’en briguer un second pourrait, en effet, peut lui coûter des voix, car ce revirement constitue, aux yeux de bon nombre de ses compatriotes, un faux pas politique majeur, une entorse à la parole donnée dans un pays où la méfiance institutionnelle est déjà profondément enracinée.

Même si les chances de l’opposition de l’emporter sont minces, pour ne pas dire quasiment nulles, Embalo devra adopter une posture d’humilité en cas de victoire, et appeler l’ensemble de ses compatriotes à se serrer les coudes pour déjouer le cycle fataliste qui marque l’histoire politique de la Guinée-Bissau. Ce n’est qu’à ce prix que le pays pourra éviter de retomber dans ses vieux travers, et d’être entraîné de nouveau dans la spirale des violences meurtrières qui l’ont frappé jusqu’à une période récente.

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