Guerre au Soudan: des vidéos des paramilitaires veulent montrer un retour à la vie à El-Fasher

Au Soudan, les paramilitaires multiplient leurs efforts de propagande pour montrer que tout va bien dans la ville d’El-Fasher, capitale du Darfour du nord, qu’ils ont prise le 26 octobre. Selon plusieurs organisations locales et internationales, des « crimes de guerre » et des « crimes contre l’humanité » ont été commis par les Forces de soutien rapide (FSR) dans cette ville. Mais des dizaines de vidéos tournées par les FSR tentent de contredire cette réalité, montrant « le retour à la vie dans la ville sinistrée ». Les vidéos des exécutions sommaires massives font désormais place à des vidéos d’une autre nature.

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Dans ces nouvelles vidéos, qui envahissent la toile, les paramilitaires se présentent comme des bienfaiteurs. Ils filment des camions qui apportent des vivres à l’intérieur de cette ville de l’ouest du Soudan, assiégée pendant un an et demi. Des combattants se mettent en scène en distribuant de la nourriture.

Les FSR filment également l’hôpital saoudien d’El-Fasher, là où 460 personnes ont été tuées sommairement, selon l’OIM et d’autres organisations : des patients, des blessés ainsi que tous leurs proches.

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Désormais, on peut voir dans une vidéo une dizaine de policiers déployés dans l’hôpital. Ils se trouvent devant un mur fraîchement peint, avec des blessés, des malades – surtout des personnes âgées – et une femme-médecin ne faisant pas partie de l’équipe médicale d’origine. Elle apparait masquée, mal à l’aise, et évoque devant la caméra le manque de matériel médical.

L’hôpital a été rouvert vendredi dernier en grande pompe et en présence du ministre de la Santé du gouvernement parallèle non reconnu, basé à Nyala, au sud-ouest du Soudan, dans l’État du Darfour du Sud.

Le ministre de la Santé du gouvernement parallèle établi par les FSR et non-reconnu en visite à El-Fasher

Selon le Comité de résistance de la ville d’El-Fasher, les blessés ont été contraints de figurer sous la torture après la prise de la ville et « ces personnes ont été humiliées et obligées à participer à cette mascarade ».

Des images satellites ont montré des corps brûlés devant l’hôpital et dans d’autres lieux de la ville. Des témoins évoquent l’existence d’une fosse commune au nord de l’hôpital, près de la mosquée.

Les FSR nient toujours le massacre de l’hôpital qui semble avoir été soigneusement nettoyé. Le Réseau des médecins soudanais affirme, lui, que la dissimulation de ces crimes ne les effacera pas.

La ville d’El-Fasher a été le théâtre d’un acte d’une inhumanité particulièrement odieux. Ces derniers jours, les FSR ont rassemblé les corps gisant dans les rues et les quartiers de la ville. Ils en ont enterré des centaines dans des fosses communes et ont brûlé des centaines d’autres, dans leur tentative désespérée de dissimuler leurs crimes contre les civils. Ce qui s’est passé à El-Fasher n’est pas un incident isolé, mais constitue un nouveau chapitre d’un véritable génocide perpétré par les Forces de soutien rapide, au mépris flagrant de tous les droits internationaux et les normes religieuses. Ces normes interdisent la mutilation des corps et garantissent aux défunts le droit à une sépulture digne. Le Réseau des médecins soudanais condamne avec la plus grande fermeté ces crimes abominables et tient les dirigeants des Forces de soutien rapide pour responsables, affirmant que ces crimes ne seront pas effacés par des tentatives de dissimulation ou d’incinération. Le silence international est honteux.

Le Docteur Razan al-Mahdi, une des porte-paroles du Réseau des médecins soudanais

Houda Ibrahim

À El-Fasher, la vie reprend et les déplacés reviennent à nouveau, insistent les paramilitaires qui filment également des camions transportant des vivres vers la ville. Sur d’autres vidéos, quelques vendeurs de légumes sur le marché, avec très peu de marchandises, ou alors des combattants distribuant des choses à manger à des enfants affamés.

Quelques journalistes, venus d’Abou Dhabi pour la plupart, et embarqués par les FSR, tournent des images de l’intérieur de la ville en présence des paramilitaires. Ils relaient le même message, celui d’un retour à la vie sur place. Mais sur des images, sur lesquelles des habitants apparaissent à l’arrière-plan, on aperçoit furtivement l’étendue des dégâts : des femmes, des enfants et des hommes blessés qui arrivent à peine à marcher, affamés et très affaiblis. La ville a besoin d’urgence d’aide humanitaire, affirment d’ailleurs les correspondants sur place.

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Malgré les appels qui se multiplient, les FSR interdisent toujours aux équipes d’aide humanitaire d’entrer dans El-Fasher. Selon le Réseau des médecins soudanais, la situation humanitaire continue à se dégrader.

Depuis jeudi dernier, les chefs des FSR multiplient les visites de la ville : il y a eu celle de Mohamad Hamdane Dogolo dit Hemedti, puis de son frère Abderrahim, numéro deux des FSR. Et la police du gouvernement parallèle non-reconnu basé à Nyla est déployée dans El-Fasher.

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