Ghana: l'inquiétude de la communauté queer face à la loi «anti-LGBT»

Au Ghana, quel avenir pour la loi dite « anti-LGBT » ? Initialement adopté au parlement début 2024, mais finalement jamais promulgué, le texte, appelé « Proposition de loi sur les droits sexuels humains et les valeurs familiales » prévoyait trois à dix ans de prison pour toute personne identifiée comme appartenant à la communauté ou en faisant la promotion.

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Avec notre correspondant à Accra, Victor Cariou

Ce mois d’octobre, le texte a failli faire son retour au Parlement avant d’être finalement retiré de l’ordre du jour. En attendant un nouveau développement politique, les Ghanéens et Ghanéennes queers vivent de plus en plus reclus dans un climat de peur. 

« Je suis un Ghanéen de 25 ans, né et élevé à Accra, aujourd’hui entrepreneur, et je suis gay, gay à plein temps ! ». Le sourire de Michael* pourrait presque faire passer cette interaction comme banale. Cette phrase, il n’a pourtant jamais pu la dire à ses parents. « En tant qu’homosexuel, j’ai peur. Personne ne comprend les dangers, la violence, on sent que personne ne tient à nous. Ton propriétaire peut te virer parce que tu es queer, même à l’école on le voit, des personnes qui se font évincer parce qu’identifiées comme queer. Si on va à la police, on nous rit au nez, on ne sait vraiment pas vers qui se tourner », confie-t-il.

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Environ 300 cas de discrimination anti-LGBT au Ghana

Michael s’estime pourtant chanceux. Comparé à bon nombre de ses amis, également queer, lui dit n’avoir connu que très peu d’agressions ou de discrimination vis-à-vis de son orientation sexuelle ou de son identité de genre. Une situation critique, qui risque néanmoins de s’empirer si la loi dite anti-LGBTQ est finalement adoptée. « Si ce texte passe, les gens vont se dire que la loi les autorise à aller taper des personnes queer, s’inquiète-t-il. On le voit déjà sur Twitter, dans les commentaires, les gens affirment qu’ils ont maintenant le droit de venir nous attraper, nous frapper, voire nous tuer. »

Rightify Ghana, une organisation de défense des droits des personnes queer, a recensé environ 300 cas de discrimination ou d’agression sur des membres de la communauté LGBTQ+ au Ghana en 2024, un chiffre en augmentation d’année en année. Un texte qu’aucun parti, selon l’ONG, ne souhaite réellement adopter malgré les nombreuses déclarations en faveur de la loi – il s’agirait avant tout, pour les formations politiques, d’une stratégie électorale.

Il y a plusieurs sondages qui montrent que plus de 90% des Ghanéens désapprouvent les relations entre personnes de même sexe. Les politiciens en quête de votes utilisent donc l’agenda anti-LGBT, et la loi anti-LGBT, comme un objet politique.

Ebenezer Peegah, le directeur exécutif de l’ONG Rightify Ghana

Victor Cariou

Si la loi est adoptée au Parlement, elle sera signée, ce qu’a pourtant déclaré, en novembre, le président du Ghana, John Dramani Mahama. Si tel est le cas, Michael l’assure : il quittera le Ghana pour pouvoir fonder une famille hors de tout danger.

* Le prénom a été modifié.

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