La RDC commémore ce samedi 2 août la journée nationale de ce que Kinshasa du Genocost – contraction de « Geno » pour génocide et de « cost » pour coût en anglais, c’est-à-dire pour l’exploitation des richesses du Congo. Kinshasa est engagée dans une campagne pour faire reconnaître à l’international l’existence d’un « génocide économique au Congo ».
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C’est à Londres, en 2013, que naît ce terme Génocost sous la plume d’un activiste du CAYP, la plateforme d’action de la jeunesse congolaise dans le sillon de publication du rapport Mapping, un rapport de l’ONU, qui documente l’ampleur et l’horreur des crimes commis dans l’est congolais depuis 1996 et pointe la responsabilité de plusieurs pays voisins : Ouganda, Rwanda, Burundi.
Émerge alors l’idée d’un peuple congolais victime de l’appétit de ses voisins pour les richesses de son sous-sol, ses ressources minières donc, et d’une logique de prédation qui puise ses racines jusqu’à la colonisation. Rapidement, la société civile congolaise s’en empare. Une place à Kinshasa est symboliquement rebaptisée place du Genocost. Des rassemblements y ont lieu chaque 2 aout qui marque le début de la seconde guerre du Congo en 1998.
C’est seulement fin 2022 que les autorités congolaises s’approprient le terme Genocost dans la foulée de la résurgence du M23 fin 2021 et du conflit avec le Rwanda. L’un des principaux objectifs de cette campagne : obtenir la mise en place d’un tribunal pénal international pour le Congo. Il y a dix jours, le président Tshisekedi a promis de poursuivre ce plaidoyer en septembre à New York lors de la prochaine assemblée générale de l’ONU. Ce samedi, un mémorial dédié au « Genocost » doit être inauguré non loin du musée national de Kinshasa.
Une victoire « au gout d’inachevé » pour CAYP
Pour Gloria Menayame, juriste, est chargée de projet au sein du CAYP France, la création d’une journée officielle de commémoration le 2 août et son appropriation par le pouvoir est une « victoire », mais dit-elle « au gout d’inachevé » : « La récupération de la campagne du Genocost est une chose que nous souhaitons. Ce que nous ne voulions pas, c’est de cette récupération partielle qui ne prend que ce qui les arrange. Parce qu’on parle beaucoup de responsabilité internationale ou de la création d’un tribunal international. Mais ils oublient de mettre en place des mécanismes qui puissent connaître des crimes au niveau interne […]. On pense que notre gouvernement a la possibilité, mais il lui manque la volonté. »
Elle ajoute que dans le gouvernement congolais, « il y a des personnes qui ont été nominalement citées dans plusieurs rapports des Nations unies, comme auteurs de certains crimes qui ont été commis en République démocratique du Congo. Il y a plusieurs généraux dans des zones à conflits. »
Toutefois, le concept de Genocost ne fait pas l’unanimité et reste controversé sur le plan juridique. « Sur le plan théorique, ça demeure problématique », estime Ithiel Batumike, chercheur à Ebuteli. Pour lui, l’usage de ce concept s’enracine dans des décennies de frustration et d’impunité pour les crimes commis dans le pays : « Tous les Congolais pensent qu’il est temps d’arrêter cette spirale de violence. Les grandes questions que tous les Congolais se demandent : « Jusqu’à quand ? » et « Pourquoi la communauté internationale fait comme si elle ne voyait pas tout ce qui se passe au Congo, alors qu’elle a une attention soutenue sur d’autres crises où elle est vraiment intervenue pour faire arrêter des hécatombes ? ». »
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