France: huit ans après son inculpation, les victimes d'un religieux accusés de viols en Afrique réclament un procès

Huit ans après son inculpation pour des viols et agressions sexuelles commis en Afrique, Frère Albert, un religieux de 82 ans, attend toujours d’être jugé dans le centre de la France. Ancien membre de la congrégation des Frères du Sacré-Cœur, il est accusé d’avoir violé et agressé sexuellement des adolescents qu’il entraînait dans une équipe de football à Conakry. Les faits dates des années 1990, mais depuis le dossier n’avance pas. Cette longue attente provoque la colère des représentants des victimes.
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Ces reproches sont adressés par l’association Mouv’Enfants qui lutte contre la pédocriminalité et dénonce un scandale. « Alors qu’il a reconnu les viols et que les faits ne sont pas prescrits à ce jour, Albert (…) vit en France librement. Quel scandale ! Que fait la justice ? Attend-elle qu’il décède ? », s’est indignée dans un communiqué l’association Mouv’Enfants.
Les faits se sont déroulés entre 1992 et 2002. Frère Albert était directeur d’école à Conakry, en Guinée. Il est soupçonné d’avoir abusé de plusieurs adolescents à l’époque. En 2002, l’affaire éclate. Il est dénoncé. Sa hiérarchie le rappelle et il rentre s’installer en France. Depuis, il vit paisiblement dans une pension de retraite de luxe.
Il faudra attendre 2017, quinze ans après, pour qu’il soit inculpé pour « viols et agressions sexuelles sur mineurs », puis placé sous contrôle judiciaire. Devant la police, il a rapidement reconnu les faits, ses « relations amoureuses » et toutes les enveloppes qu’il distribuait en échange du silence des jeunes.
En décembre 2024, le parquet dans lequel l’affaire est instruite a requis son renvoi devant la cour criminelle départementale, composée uniquement de magistrats professionnels. Le juge d’instruction chargé de cette enquête complexe, qui s’est en partie déroulée à l’étranger, n’a pas encore rendu sa décision.
Une affaire complexe
Les faits reprochés se sont déroulés à l’étranger, alors le dossier traine. Aucune date de procès n’est encore fixée, au grand désespoir des victimes guinéennes. « C’est extrêmement long pour mes clients », déplore auprès de l’AFP Nadia Debbache, avocate de trois victimes guinéennes. « L’une d’entre elles est décédée depuis, mais sa sœur a repris la procédure et attend toujours que justice soit faite ». « Mes clients espèrent que justice soit rendue, être reconnus comme victimes afin de pouvoir se réparer », ajoute Me Debbache.
« Pourquoi les victimes sont en attente d’un procès qui ne vient pas, d’autant que certaines subissent des pressions en Guinée ? », interroge également le président de Mouv’Enfants, Arnaud Gallais. Craignant qu’il y ait « plusieurs dizaines de victimes », il réclame des moyens pour enquêter en Côte d’Ivoire où le religieux était en poste avant la Guinée. « Ces chiffres sont totalement inexacts », s’insurge l’avocate de Frère Albert Me Aurélie Chambon, estimant que les faits ne sont « pas comparables » avec d’autres affaires ayant ébranlé l’Église catholique.
En mars 2017, l’homme avait lui-même confessé ses agissements, filmé en caméra cachée pour une émission de France 2 qui a révélé l’affaire. « En Guinée, j’étais à un moment donné comme un intouchable (…) je me sentais invulnérable (…) Quand ça s’est su, on m’a demandé de rentrer », avait-il déclaré. Un membre de la congrégation, sollicitée par l’AFP, a déclaré que tout cela était « dans les mains de la justice ». « Nous n’avons plus rien à dire », a-t-il ajouté.



