Fin du sursis pour le retour des pays de l'AES dans la Cédéao, les négociations de sortie se poursuivent

Si le Mali, le Niger et le Burkina Faso ne sont plus membres de la Cédéao depuis le 29 janvier dernier, l’organisation régionale leur avait toutefois laissé une période de six mois pour la réintégrer si jamais ils changeaient d’avis. Alors que l’échéance arrive à terme ce mardi 29 juillet, les trois pays de l’AES n’ont – sans surprise – pas saisi une opportunité qu’ils ont maintes fois balayée. Pour autant, les négociations sur les modalités de leur départ n’ont pas encore abouti. 

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Le statu quo demeure. En janvier dernier, lors de la sortie officielle des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) de la Cédéao, l’organisation avait décidé – par « solidarité régionale » – de maintenir leurs avantages – ceux des pays membres – jusqu’à ce que les négociations sur les modalités de leur départ aboutissent.

En clair : à part les fonctionnaires maliens, nigériens et burkinabè qui ont été officiellement licenciés et devront quitter leur poste au plus tard le 30 septembre, les citoyens des pays de l’AES n’ont pas encore ressenti les effets du divorce : leurs passeports et cartes d’identité estampillés Cédéao sont toujours valables, les droits de circulation et d’établissement continuent de s’appliquer, les biens et services restent exemptés de droits de douane.

« Consultations » et « négociations »

En mai dernier, une première session de consultations a réuni à Bamako les ministres malien, nigérien et burkinabè des Affaires étrangères et le président de la Commission de la Cédéao, Omar Alieu Touray. Une victoire pour les premiers, qui réclamaient de négocier en bloc et non pays par pays. Les deux parties avaient alors conjointement indiqué avoir abordé des sujets « politiques, diplomatiques, administratifs et institutionnels, juridiques, sécuritaires et de développement ». La coopération contre le terrorisme avait également été citée. À l’issue de cette rencontre, la Cédéao et l’AES avaient adopté un « relevé des conclusions des consultations en vue du lancement des négociations ».

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Mais depuis, plus aucune rencontre officielle n’a eu lieu. « Cela ne veut pas dire que rien ne se fait », commente un cadre de l’organisation régionale, sans préciser davantage les éventuelles avancées ou difficultés des échanges en cours qui se déroulent donc à un niveau technique. Sollicité par RFI, le ministère des Affaires étrangères du Mali, en pointe pour les négociations côté AES, n’a pas donné suite.

Intérêt des populations vs prime au départ

Les enjeux sont connus et considérables : libre-circulation des personnes – les pays de l’AES ont déjà annoncé que les ressortissants de la Cédéao pourraient entrer sans visa dans leur espace commun, la réciprocité restant à négocier -, règles liées à l’installation des populations et des entreprises, droits de douanes sur les marchandises…

En jeu également : l’avenir des nombreux programmes financés et mis en œuvre par la Cédéao au Mali, au Niger et au Burkina, ou encore les modalités de remboursement des dettes contractées par les trois pays auprès de la BIDC, la Banque d’investissement et de développement de l’organisation.

L’AES et la Cédéao ont, à plusieurs reprises, martelé leur volonté commune de privilégier l’intérêt des populations. En toute logique, l’AES cherche à conserver le maximum d’avantages malgré son départ. L’équation est plus complexe pour la Cédéao qui doit éviter de donner l’impression de punir les habitants des trois pays sans pour autant offrir de « prime au départ » aux trois États récalcitrants : quitter la Cédéao doit avoir des conséquences car tout compromis trop large diminuerait d’autant l’intérêt d’en rester membre et pourrait donner des idées à d’autres… La Cédéao est par ailleurs elle-même engagée dans un processus de réformes internes.

Brexit : quatre années de négociations

Aucune échéance de temps n’a été fixée pour ces négociations, au sujet desquelles peu de détails filtrent et qui semblent avancer pour le moins lentement. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont annoncé leur retrait en janvier 2024, et celui-ci est entré en vigueur un an plus tard, en janvier 2025. Par comparaison, les très laborieuses négociations sur le Brexit (la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne en 2020) avaient duré quatre années : elles avaient commencé trois ans avant la date effective du retrait et s’étaient achevées un an après. Mais les différents dossiers et les positions des négociateurs défrayaient la chronique médiatique. Pour ce qui est de l’AES et de la Cédéao, les populations ne savent rien ou presque des discussions en cours.

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Baba Dakono: «L’enjeu, c’est de préserver à la fois les populations, les échanges et ce qu’il reste de la Cédéao»

 

Politologue malien, Baba Dakono est secrétaire exécutif de l’Observatoire citoyen sur la gouvernance et la sécurité (OCGS) à Bamako.

« L’enjeu c’est de faire en sorte que la séparation se passe sans véritablement remettre en question tous les acquis, en termes de liberté de circulation des personnes et des biens. Ce retrait est une décision politique. Maintenant, l’idée c’est de faire en sorte que l’impact de cette décision ne soit pas trop important sur les populations, mais également sur les échanges commerciaux qui existaient entre les différents États et que ces échanges puissent continuer, sans que l’impact les ramène au niveau des années 70, avant la Cédéao.

Tout cela prend du temps car, aujourd’hui, on parle de trois États qui sont les trois principaux États enclavés de la Cédéao et qui sont également dans une dynamique politique assez complexe. Donc l’enjeu, c’est de préserver les populations, mais c’est aussi qu’il n’y ait pas un impact sur ce qu’il reste de la Cédéao, parce que la Cédéao joue gros. Il y a la question des réformes au sein de l’organisation, de l’alternance politique et il y a aussi les aspects sécuritaires, notamment l’expansion [de la menace jihadiste, NDLR] vers les pays côtiers. Donc, ce sont toutes ces questions qu’il faut régler en même temps qu’on est en train de gérer cette sortie. »

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