Face au chômage, la jeunesse sud-africaine crée elle-même des emplois

En Afrique du Sud, six jeunes sur dix sont sans emploi. Face à ce fléau, dans un pays pourtant moteur économique du continent, une tendance prend de plus en plus d’ampleur : ouvrir sa propre entreprise. Les jeunes créent alors les emplois qu’ils ne trouvent pas et recrutent des gens de leur âge.
Dans une petite usine au cœur de Soweto, en Afrique du Sud, on découvre des bougies colorées, mais aussi l’histoire fascinante de son fondateur : « Je suis diplômé en psychologie, mais quand j’ai obtenu mon diplôme, je n’ai pas pu trouver d’emploi dans mon domaine d’études. Nous vivons dans un pays où le taux de chômage des jeunes dépasse les 60%, donc il est possible d’étudier la psychologie, mais il n’est pas possible de devenir psychologue », déplore le jeune homme.
À 27 ans, Makatu Tshivhula a su troquer la blouse blanche de psychologue contre un t-shirt de sa marque de bougies, une entreprise qui emploie déjà trois autres jeunes. Il nous explique le procédé de fabrication : « La matière première est sous forme solide. On la plonge là-dedans pour qu’elle fonde. Une fois fondue, elle se transforme en liquide, comme ceci, puis nous la mettons dans la machine. Et après 20 minutes, voilà le résultat. »
Lorsqu’on lui demande s’il souhaite un jour revenir à la psychologie, la réponse est sans détour : « Non, non. Ce qui m’importe maintenant, c’est mon bonheur. Chaque jour, des clients viennent ici pour me parler de leurs problèmes et me demander quelles bougies ils peuvent utiliser. Donc j’aide quand même les gens sans avoir à être dans un cabinet. »
L’entrepreneuriat, une voie de salut pour la jeunesse
D’après les statistiques récentes, comme Makatu, de plus en plus de Sud-Africains décident d’ouvrir leur propre entreprise. L’entrepreneuriat représente désormais plus de 10% de l’emploi chez les jeunes : bijoux, cosmétiques ou encore production audiovisuelle, comme pour Thabang Hlaka. « Nous faisons de la photographie, de la vidéo, du drone, du graphisme, des sites web… », raconte-t-il.
Si aujourd’hui, son entreprise se porte bien, il a dû s’armer de patience, victime du manque d’opportunités dans sa ville d’origine, puis d’une perte d’emploi douloureuse pendant la pandémie de Covid-19. « À cette époque, j’ai perdu tout mon matériel, et j’ai commencé à déprimer, j’ai pensé à mourir. C’était tellement dur… Puis mon père m’a dit : »Ne t’inquiète pas, j’ai quelque chose pour toi, un travail dans les mines ». J’y suis allé, j’étais terrifié ! Deux jours plus tard, mon père est décédé, et j’ai eu un déclic. Je me suis dit »Mec, ne retourne pas là-bas ! » J’ai pris mes dernières économies, j’ai acheté des paquets de cigarettes que j’ai commencé à vendre dans la rue. En deux semaines, j’ai pu me racheter du matériel et j’ai recommencé à faire ce que j’aimais », raconte l’entrepreneur.
À 35 ans, Thabang collabore maintenant avec une dizaine de personnes et crée ainsi de l’emploi pour les jeunes de son quartier. Néo, 21 ans, vient de rejoindre l’équipe. « Je ne savais pas qu’il avait traversé toutes ces épreuves. Ça me touche beaucoup, et ça m’inspire aussi. Parce que c’est lui qui m’a donné l’occasion de travailler dans ce domaine. Pour moi, c’est un rêve qui est devenu réalité », confie-t-il.
Des parcours qui forcent le respect, symboles d’une jeunesse lassée d’attendre que les choses changent, et bien décidée à régler le problème elle-même en créant ses propres opportunités.



