Est de la RDC: les déplacés du conflit AFC/M23 du Nord et du Sud-Kivu accueillis dans la province voisine du Tanganyika

RFI vous propose une série de reportages tournée dans le Tanganyika, en République démocratique du Congo, une province de l’est du pays frontalière avec le Maniema et le Sud-Kivu. Cette dernière, tout comme le Nord-Kivu, est déchirée par un conflit qui oppose l’armée congolaise et leurs alliés au groupe AFC/M23, soutenu par le Rwanda. Depuis 2022, ce conflit a provoqué d’importants mouvements de population qui fuient les zones de guerre. Des populations parvenues jusqu’au Tanganyika voisin. Reportage à la rencontre de ces personnes déplacées.
Publié le :
5 min Temps de lecture
De notre envoyée spéciale de retour de Kalemie,
Rebecca affiche un grand sourire. Elle est pourtant une déplacée, elle a fui le Nord-Kivu et Goma pour venir se réfugier dans le Tanganyika. « Ici, nous venons tous du Sud-Kivu et du Nord-Kivu, témoigne-t-elle en swahili. Nous avons fui la guerre du M23 et nous nous sommes retrouvés ici. Nous avons alors été accueillis par les gens de Kalemie. Le chef du quartier Katanika nous a donné un terrain pour nous reposer un peu. »
Un terrain devenu un camp de déplacés avec de nombreuses tentes installées depuis moins d’un an. Les premiers déplacés sont arrivés au mois de février 2025. Avec Rebecca, la présidente du camp de Katanika 2, ils sont aujourd’hui plus de 10 000 à s’être réfugiés sur cette colline au sud-ouest de Kalemie.
Les déplacés dans les camps
Chaque jour, de nouvelles familles arrivent, confirme Danièle Monni, cheffe du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) à Kalemie : « Les gens continuent à arriver puisque quand nous avons fait le fixing, l’enregistrement, au moins de juin, ils étaient 2 067 ménages. Ils n’arrivent pas tous directement du Sud-Kivu, certains étaient déjà dans les villages environnants et n’avaient encore atteint Kalemie. »
« Nous sommes complétement démunis »
Parmi eux, il y a Léonard, il a fui Bukavu après la mort d’un de ses enfants peu après que la ville est passée sous le contrôle de l’AFC/M23. Il avoue être totalement démuni : « Les conditions de vie des déplacés sont très difficiles. Nous ne dormons pas bien, nous dormons toujours à l’extérieur, à la belle étoile. Nous manquons de tout, nous n’avons pas de tente, pas d’abri, pas de nourriture. Et les enfants ne vont pas à l’école, car nous n’avons pas de moyens. »
Christian, lui aussi, vient de Bukavu, mais malgré les conditions difficiles, il se dit content d’être arrivé et de pouvoir se poser dans un environnement plus sûr : « Il n’y a pas de crépitements de balles, il n’y a pas de tueries, pas de sang versé. Vraiment, nous sommes au paradis même si nous n’avons pas à manger et pas d’activité. »
Des écoles ouvrent leurs portes aux enfants des Kivus
Dans certaines localités, les déplacés ne vivent pas dans des tentes. Ces déplacés ont été accueillis dans les communautés qui leur aussi ouvert leurs écoles. C’est le cas de Kabimba, une petite localité à flanc de colline à soixantaine de kilomètres au nord-est de Kalemie. Dans la cour de son école, toute neuve, les enfants entrent en classe.
Une école qui accueille des élèves
Il y a, parmi les élèves, des déplacés de la crise du M23, qui ne vivent pas dans un camp. « Ici, les autorités ont estimé que pour continuer à vivre dans la paix et pour ne pas créer une stigmatisation de ces personnes qui viennent d’arriver, il valait mieux les intégrer directement dans les ménages, précise Danièle Monni, du HCR. Ça évite qu’il y ait une séparation entre ces personnes et la communauté locale ». Des ménages ont donc ouvert leurs maisons à ces déplacés.
« De l’inquiétude et de la peur »
Maître Floribert est un enseignant de l’école. Il est professeur en secondaire et dans sa classe, il a plusieurs enfants venus du Sud et du Nord-Kivu. Il évoque une adaptation pas toujours facile. « Nous sentons chez eux souvent de la peur et des inquiétudes », affirme l’instituteur, qui ajoute que ces enfants font des efforts pour s’adapter au mieux. Il nous présente d’ailleurs Moussa. Il dit avoir fui la guerre avec sa maman, et surtout, il déclare aussi être content de pouvoir étudier ici à Kabimba, dans la petite école que dirige Moïse Mukambama.

« J’en ai déjà accueilli plusieurs, plus de 100 élèves venus parfois même de Goma », confirme le directeur qui confie avoir poussé les murs pour prendre en charge tous ces nouveaux élèves. « Ça fait une augmentation importante. L’année dernière, j’avais 302 élèves dans mon école, mais avec la guerre au Nord et au Sud-Kivu, j’ai reçu beaucoup d’autres enfants, ils sont actuellement 400. Cela fait des élèves en plus dans toutes les classes ». Mais le directeur se dit prêt à recevoir encore d’autres enfants déplacés, il ne lui manque que des pupitres pour ses nouveaux élèves.
Quant à l’avenir, tous ces déplacés ne voient pas de la même manière. Christian, rencontré à Katanika 2, souhaite rester durablement à Kalemie et s’installer pour recommencer une autre vie. D’autres attendent avec impatience le retour de la paix pour rentrer chez eux.
À lire aussiRDC: la ville de Kalemie sous l’eau, dans l’est, à la suite de nouvelles pluies



