Est de la RDC: à Bruxelles, le président congolais tend la main à son homologue rwandais pour faire «la paix»

Le président congolais Felix Tshisekedi a appelé ce 9 octobre 2025 à Bruxelles son homologue rwandais Paul Kagame à avoir « le courage » de travailler avec lui pour faire « la paix des braves » et cesser les violences dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). « Je prends à témoin l’assistance ici présente et le monde entier […] pour lancer un appel à la paix, lui tendre la main et demander à ce qu’on arrête cette escalade », a-t-il déclaré lors d’un forum auquel participait également le chef de l’État rwandais. « Aujourd’hui, nous sommes les deux seuls capables d’arrêter cette escalade », a-t-il ajouté dans une référence aux violences qui se poursuivent en dépit d’un accord de paix signé fin juin à Washington.

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La main tendue du président de la RDC à son homologue rwandais, Paul Kagame. C’était ce 9 octobre 2025 à Bruxelles à l’occasion d’un forum sur les investissements européens en Afrique auquel assistent les deux chefs d’État.

Lors de son allocution, Félix Tshisekedi est revenu sur les combats qui ont repris ces dernières semaines dans l’est de son pays entre forces congolaises et le groupe politico-militaire AFC/M23.

« Aujourd’hui, nous vivons cette situation et nous sommes les deux seuls capables d’arrêter cette escalade, a-t-il lancé à son homologue rwandais. Je le dis en prenant à témoin le président Joao Lourenço, notre président actuel de l’Union africaine, auquel je rends d’ailleurs un hommage particulier pour son implication dans cette crise [à travers le processus de Luanda, entre Congolais et Rwandais, NDLR] et qui, comme vous le savez, était à quelques encablures de la régler définitivement. Mais malheureusement, sans aucune raison – en tout cas, je n’en ai jamais entendu jusqu’à ce jour – vous avez boycotté cette cérémonie alors que nous étions à 98 % déjà de recouvrer une paix durable ».

« Que vous donniez l’ordre aux troupes du M23 d’arrêter cette escalade »

Et Félix Tshisekedi d’ajouter : « Mais il n’est pas trop tard pour bien faire et c’est pour cela que je prends à témoin ce forum et, à travers lui, le monde entier, pour vous tendre la main, Monsieur le président, pour que nous fassions la paix des braves. Et cela demande que vous donniez l’ordre aux troupes du M23 qui sont soutenues par votre pays, d’arrêter cette escalade qui a fait suffisamment de morts comme cela. Nous les comptons par millions. Il est temps d’arrêter et de nous tourner vers la paix et le développement. »

Paul Kagamé, qui s’était exprimé avant le président congolais lors du même forum, n’avait pas réagi à ce discours, à la mi-journée, ce jeudi. Présent à la tribune quelques instants auparavant, le président rwandais n’a pas explicitement évoqué ces efforts de paix. Il a fait part d’une « énergie positive » concernant « les affaires, les investissements, la paix ».

Le Rwanda a toujours défendu la thèse selon laquelle il existe deux problèmes distincts et qu’il ne pouvait pas avancer dans les négociations avec Kinshasa tant que la RDC n’aura pas réglé son différend avec l’AFC/M23. C’est l’explication donnée par la diplomatie rwandaise pour justifier l’absence de Paul Kagame au sommet convoqué par le président angolais pour la signature de l’accord de paix entre Kinshasa et Kigali.

« Nous avons été invités à ce sommet par lettre du facilitateur le 30 novembre 2024, qui indiquait que la partie congolaise avait donné son accord sur le dialogue avec le M23 dans le cadre du processus de Nairobi [processus de discussion avec d’autres groupes armés, NDLR]. On a aussi reçu un projet d’accord qui, lui aussi, contenait le mot dialogue. On est venu ici à Luanda et on a été surpris que la ministre des Affaires étrangères de la RDC a catégoriquement refusé toute idée de dialogue avec le M23, ce qui contredisait l’accord initial puisque le seul objet du sommet était la signature de l’accord et qu’il n’y avait pas d’accord entre les ministres sur cette question », déclarait alors le ministre des Affaires étrangères rwandais, Olivier Nduhungirehe.

C’est dans cette logique qu’il existe aujourd’hui deux processus : celui de Doha (entre Kinshasa et l’AFC/M23) et celui de Washington (entre Kinshasa et Kigali). Demander à Paul Kagame de donner l’ordre aux troupes de l’AFC/M23 de se retirer serait donc contraire à la position défendue par Kigali, explique un diplomate de la région.

Contexte particulièrement tendu

Le discours de Félix Tshisekedi intervient aussi dans un moment particulièrement tendu, tant sur le plan militaire que sur celui des négociations. Il y a près de deux semaines, la délégation congolaise a refusé de signer le cadre économique régional négocié à Washington, présenté comme le prolongement économique de l’accord de paix signé le 27 juin à Washington sous médiation américaine. Selon un conseiller à la présidence de la République en RDC, la ligne défendue par le chef de l’État est claire : « Il n’y aura pas de coopération économique tant que les discussions sur les questions de sécurité et sur les garanties que Kinshasa attend de Kigali et de l’AFC/M23 ne seront pas finalisées. » Un proche du président congolais ajoute : « Ça ne ferait aucun sens pour notre population de nous voir conclure ce type d’accord alors que le Rwanda est toujours sur notre territoire et que le soutien au M23 se poursuit. » Ces positions ont irrité la partie rwandaise, selon plusieurs sources proches du dossier.

L’est de la RDC, région riche en ressources naturelles et frontalière du Rwanda, est en proie à des conflits depuis 30 ans. Les violences se sont intensifiées depuis janvier avec la prise des grandes villes de Goma et Bukavu par l’AFC/ M23, soutenu par Kigali et son armée.

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