En Côte d’Ivoire, une commission pour auditionner et sanctionner des conducteurs impliqués dans des accidents

En Côte d’Ivoire, la route tue encore trop. Selon le ministère des Transports, entre 1 000 et 1 500 personnes perdent la vie chaque année dans des accidents de circulation. Pour tenter d’endiguer ce fléau, une commission spéciale se réunit régulièrement à Abidjan. Elle auditionne conducteurs impliqués dans des drames ou auteurs d’incivilités sur les routes ivoiriennes. Les sanctions peuvent aller jusqu’à la suspension ou le retrait définitif du permis de conduire.
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Avec notre correspondant à Abidjan, Abdoul Aziz Diallo
Ce matin-là, une quarantaine de dossiers sont passés au crible par la commission spéciale de suspension et de retrait de permis de conduire. Parmi les conducteurs auditionnés, des anonymes, comme ce chauffeur de mini-car impliqué dans un accident qui a coûté la vie à un motocycliste.
Des visages connus impliqués dans des accidents sont aussi entendus, à l’image de Molare, star du coupé-décalé. En juillet dernier, il avait perdu le contrôle de son véhicule, percutant une passante qui n’a pas survécu. Verdict : interdiction de conduire pendant cinq ans. « Passer devant la commission, ce n’est pas facile, souligne-t-il. On te pose beaucoup de questions. Il n’y a pas beaucoup de temps aussi pour s’exprimer, pour rentrer dans tout le contexte. Mais la commission fait son travail et la commission doit sévir, c’est ce qui est juste. Il y a eu plein de négligence de ma part à certains niveaux qui ont été relevées ».
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Une dizaine de membres composent cette commission. Chaque mois, ils écoutent les conducteurs incriminés pour déterminer leur part de responsabilité, comme nous l’explique le vice-président Coulibaly Kafonan : « Quand on vous entend, si vous n’avez rien à vous reprocher dans la survenue de l’accident, on ne peut pas vous condamner. Mais s’il y a des éléments probants qui prouvent que vous auriez pu faire mieux pour éviter l’accident, dans ces cas-là, nous sommes obligés de vous sanctionner. »
À l’issue de cette session : 27 permis retirés, 7 suspendus avec sursis, et seulement 2 restitués. Depuis décembre 2018, plus de 1 700 conducteurs ivoiriens ont ainsi vu leur droit de conduire retirés de manière ferme pour une durée allant de trois mois à cinq ans.
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Accidents de la route en Côte d’Ivoire: «Dans les statistiques, on trouve que c’est l’humain est responsable à plus de 90%»
Ces dernières années, les autorités ivoiriennes multiplient les mesures pour réduire les accidents : permis à points, interdiction d’importer des véhicules de plus de cinq ans, ou encore généralisation de la vidéo-verbalisation. Objectif : réussir à diviser par deux le nombre de drames sur les routes du pays. Mais au-delà des sanctions, il reste à améliorer les conditions de vie et de travail des chauffeurs de transport en commun, souvent impliqués dans ces accidents. C’est ce que plaide François Koné, président de l’Association pour la défense des droits des chauffeurs : « Quand on fait les statistiques, on trouve que c’est l’humain qui est à plus de 90 % responsable des accidents de la circulation. Il y a un changement. Avant, on n’avait pas assez de routes. Maintenant, on a beaucoup de routes. Il y a d’autres qui s’adonnent à la vitesse. Mais la vidéo-verbalisation a fait que, aujourd’hui, les gens ont réduit considérablement leur vitesse. Les accidents, on veut que ça revienne dans le contexte naturel, donc un acte involontaire. Mais nous devons travailler sur l’humain. C’est ce volet-là qui tarde un peu. Quand vous prenez un autocar qui va de d’Abidjan à Odienné [au nord-ouest de la Côte d’Ivoire, NDLR], c’est un conducteur qui fait ça en une journée. Pourtant, le code de la route dit que la journée de travail, c’est 400 kilomètres. Vous voyez, ça fait deux fois la journée. Donc, il faut qu’il y ait un travail au niveau des inspecteurs du travail pour qu’ils puissent regarder les conditions dans lesquelles travaillent nos conducteurs des transports en commun, donc trouver un cadre professionnel. »



