Sans surprise, le président Alassane Ouattara est de nouveau candidat à sa propre succession pour l’élection prévue le 25 octobre 2025. S’il l’emporte, le chef d’État ivoirien octogénaire gouvernerait le pays pour un quatrième mandat. Un quinquennat supplémentaire que ses adversaires politiques jugent « inconstitutionnel » et « illégal ».
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Comme en 2020, on soupçonnait une annonce lors de l’allocution présidentielle du 6 août, veille de la fête nationale, c’est finalement par une simple vidéo postée sur ses réseaux sociaux qu’Alassane Ouattara a confirmé sa candidature, une semaine avant l’anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. « Je suis candidat parce que la Constitution de notre pays m’autorise à faire un autre mandat et ma santé le permet », justifie le chef de l’État âgé de 83 ans.
À peu de chose près, les étapes ayant conduit à cette annonce sont similaires à celle de 2020 : les élus et militants du parti au pouvoir RHDP se sont réunis à Abidjan en congrès pour désigner le président sortant comme leur seul candidat, et ce dernier a répondu qu’il rendrait sa décision dans les jours à venir. Mais cette année, le RHDP a fait les choses en grand, puisque le congrès de « désignation » de son candidat a rempli le stade Ebimpé et ses 60 000 places : une démonstration de force politique qui contraste avec la sobriété de l’annonce de candidature d’Alassane Ouattara.
Hormis la forme, le fond du discours du dirigeant ivoirien n’a rien d’une surprise, analyse le chercheur Geoffroy-Julien Kouao : « Seulement trois mois nous séparent du 25 octobre, jour du scrutin. On ne pouvait pas penser à autre chose qu’une candidature d’Alassane Ouattara. » Et le président n’a favorisé l’émergence d’aucun favori ou dauphin au sein de sa formation politique.
Contrairement à la présidentielle de 2020, lors de laquelle Alassane Ouattara a défendu sa candidature à un troisième mandat controversé – ou le premier mandat de la IIIème République selon la rhétorique de ses soutiens – par la disparition soudaine de son poulain et ancien Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, le président ivoirien motive ce quatrième quinquennat par « les défis sécuritaires, économiques et monétaires sans précédent dont la gestion nécessite de l’expérience ». « En effet, insiste-t-il, la menace terroriste grandit dans la sous-région et les incertitudes économiques au niveau international constituent un risque pour notre pays. »
« Une violation de la Constitution et une nouvelle attaque contre la démocratie »
« N’oublions pas qu’en 2016, la Côte d’Ivoire a elle-même été attaquée par les groupes jihadistes à Grand-Bassam, et on le sait très bien, au nord de la Côte d’Ivoire, que ce soit au Burkina Faso ou au Mali, le terrorisme est toujours présent », appuie Geoffroy-Julien Kouao. Mais l’argument sécuritaire pèse peu aux yeux des adversaires du président octogénaire. « Pour l’opposition, c’est un mandat de trop qui viole les dispositions pertinentes de la Constitution, ce que ne partage pas évidemment le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2020. Donc, la bataille sera non seulement politique, mais également juridique », conclut le chercheur.
À la différence de 2020, peu – voire pas – de figures au sein du RHDP et de ses alliés n’ont contesté la décision de leur président. Le ministre et porte-parole du parti Mamadou Touré a remercié son mentor d’avoir « répondu favorablement à l’appel des Ivoiriens », et le secrétaire exécutif Ibrahima Cissé Bacongo a exprimé « une immense fierté et une profonde satisfaction ».
En face, Tidjane Thiam fustige « une violation de la Constitution et une nouvelle attaque contre la démocratie ». Le nouveau président du PDCI-RDA ne digère pas sa radiation surprise des listes électorales, et donc son exclusion de fait à la course présidentielle. Trois jours avant l’annonce de la candidature d’Alassane Ouattara, son principal challenger assurait faire l’objet « de menaces physiques par des voix autorisées » et risquer une arrestation s’il rentre en Côte d’Ivoire, lors d’une interview sur Afo Média. Tout cela en rejetant fermement tout « plan B » à sa candidature sous les couleurs du PDCI.
« Une page très noire pour l’État de droit »
Dans la maison Gbagbo – l’ex-chef d’État est, lui aussi, rendu inéligible par une condamnation de justice -, le vice-président du conseil stratégique et politique du PPA-CI, Damana Pickass, décrit cette tentative de quatrième mandat comme « une page très noire pour l’État de droit et la démocratie en Côte d’Ivoire ». La nouvelle formation politique de Laurent Gbagbo compare cette décision à « un coup d’État ».
Chez le FPI, l’ancien parti historique d’opposition désormais dirigé par Pascal Affi N’Guessan, cette « quatrième candidature est aussi illégale que la troisième ». L’ex-Premier ministre de Laurent Gbagbo considère qu’il s’agit d’« une candidature qui déçoit, car elle reflète une personnalité peu fiable et qui ne respecte pas sa parole ». Cela faisant référence à l’engagement du chef de l’État au premier trimestre 2020 de ne pas aller au-delà de deux mandats, et sa déclaration en pleine campagne électorale quelques mois plus tard : « Il me serait difficile, même impossible, d’être candidat en 2025. »
« Le président Ouattara est devenu plus un problème qu’une solution pour la Côte d’Ivoire et toute la sous-région », renchérit Affi N’Guessan, dont le parti s’est allié au RHDP durant une brève période.
Même tonalité du côté de Guillaume Soro, exilé depuis 2019. Pour l’ex-chef rebelle, chef de gouvernement puis président de l’Assemblée nationale, son ancien allié foule les principes les plus élémentaires de la démocratie.
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