Djibouti : l’ARD dénonce un « coup constitutionnel » après la suppression de la limite d’âge présidentielle

Ismaïl Omar Guelleh, Président de Djibouti
Ismaïl Omar Guelleh, Président de Djibouti

Le 2 novembre 2025, le parlement djiboutien a définitivement entériné une modification constitutionnelle supprimant la limite d’âge de 75 ans pour les candidats à la présidence. Cette décision, votée à l’unanimité par les 65 députés présents, ouvre la voie à un sixième mandat pour le président Ismaïl Omar Guelleh, âgé de 77 ans et au pouvoir depuis 1999.

L’Alliance Républicaine pour le Développement (ARD), principal parti d’opposition, a immédiatement réagi à cette réforme constitutionnelle qui intervient dans un contexte où le pays est considéré comme autoritaire, avec un pouvoir concentré dans les mains du président. Son représentant européen, Maki Houmed-Gaba, qualifie cette modification de « violation grave des principes constitutionnels, démocratiques et de l’état de droit« .

Un processus démocratique contesté

La procédure adoptée pour cette modification soulève de nombreuses interrogations. Le président Guelleh, après un premier vote du parlement le 26 octobre, avait le choix entre organiser un référendum ou demander un second vote parlementaire. Il a opté pour cette dernière option, évitant ainsi toute consultation populaire directe.

L’ARD dénonce vigoureusement ce choix, rappelant que selon le préambule et l’article 3-4 de la Constitution djiboutienne, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ou par voie de référendum« . L’opposition souligne que cette modification a été adoptée par une Assemblée nationale « quasi exclusivement issue de la coalition du parti présidentiel, le Rassemblement Populaire pour le Progrès (RPP)« , sans débat pluraliste ni consultation populaire.

Une démocratie verrouillée

Cette nouvelle réforme s’inscrit dans la continuité d’un processus de concentration du pouvoir entamé depuis plusieurs années. En 2010, les autorités djiboutiennes avaient déjà modifié la Constitution pour supprimer la limite de deux mandats présidentiels. Lors de la dernière élection présidentielle en avril 2021, Guelleh avait été réélu avec plus de 97% des voix. Un score qui illustre l’absence de compétition électorale réelle.

L’ARD rappelle que l’ONG Freedom House classe Djibouti dans la catégorie « Not Free ». Elle  souligne que « l’opposition démocratique et les médias indépendants sont totalement muselés« .

Un enjeu géostratégique régional

Djibouti, avec environ un million d’habitants, occupe une position stratégique sur la route commerciale du détroit de Bab el-Mandeb en mer Rouge. Cette position géographique exceptionnelle explique l’intérêt des grandes puissances mondiales pour ce petit pays de la Corne de l’Afrique.

Le gouvernement djiboutien justifie d’ailleurs cette réforme par la nécessité d’assurer « la stabilité du pays, dans une région troublée, la Corne de l’Afrique, avec la Somalie, l’Éthiopie et l’Érythrée« , selon les propos du président de l’Assemblée nationale, Dileita Mohamed Dileita.

Face à cette situation, l’ARD, membre de la coalition du Bloc pour le Salut National (BSN), formule plusieurs exigences :

  • L’annulation de la réforme constitutionnelle du 2 novembre 2025, adoptée sans processus démocratique transparent
  • L’organisation d’un référendum national libre et équitable sur cette modification constitutionnelle
  • L’ouverture d’un dialogue national inclusif réunissant l’ensemble des forces politiques pour redéfinir un cadre institutionnel acceptable
  • L’application des accords politiques notamment l’Accord-cadre signé le 30 décembre 2014 entre le gouvernement et l’opposition
  • La libération de tous les prisonniers politiques détenus dans la prison de Gabode et les commissariats
  • L’adoption d’une charte de transition pour préparer une refonte des institutions et engager un processus vers la démocratie

Un appel à la mobilisation internationale

L’ARD interpelle directement les partenaires internationaux et les institutions régionales, leur demandant de « rappeler que la stabilité passe par la démocratie » et de « conditionner toute coopération future à des progrès tangibles dans la gouvernance démocratique« .

L’opposition propose également une vision alternative pour Djibouti, prônant l’instauration claire d’une limite d’âge et d’un nombre maximal de mandats présidentiels, la tenue d’élections libres et transparentes, la consolidation des contre-pouvoirs institutionnels, et l’ouverture du champ politique à la jeunesse.

Alors que la prochaine élection présidentielle est prévue pour avril 2026, l’ARD appelle en tout cas « tous les Djiboutiens et toutes les Djiboutiennes, ainsi que toutes les forces de progrès » à agir pour que « l’avenir de Djibouti revienne à son peuple« .

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