Disco Afrika : quand la mélancolie malgache rencontre l’effervescence des seventies

disco africa affiche

Dans les mines clandestines de saphir de Madagascar, Kwame a vingt ans et tous les espoirs. Mais lorsqu’un événement tragique l’oblige à quitter sa ville natale, ce jeune mineur découvre un pays rongé par la corruption et les inégalités. Entre désenchantement et quête d’identité, « Disco Afrika : une histoire malgache » de Luck Razanajaona dépeint avec une justesse troublante les contradictions d’une nation en pleine mutation.

Présenté au 74ème Festival international du film de Berlin, ce premier long-métrage marque l’aboutissement d’un parcours artistique remarquable pour le réalisateur malgache. Formé à l’École supérieure des arts visuels de Marrakech, Luck Razanajaona avait déjà fait ses preuves avec ses courts-métrages primés, notamment « Madama Esther » qui lui avait valu une reconnaissance internationale.

Avec « Disco Afrika », le cinéaste plonge dans une époque charnière de l’histoire malgache : les années 1970, période d’effervescence culturelle et politique où de nombreux mouvements d’indépendance africains nourrissaient l’espoir d’un renouveau. La musique disco, alors symbole de libération et d’émancipation, devient dans le film le reflet sonore d’une génération qui refuse la fatalité.

Une approche cinématographique intimiste

L’originalité de Razanajaona réside dans sa capacité à ancrer un récit personnel dans les grands bouleversements historiques. Influencé par le cinéma social européen – il cite notamment les frères Dardenne et Stéphane Brizé -, le réalisateur adopte une approche intimiste qui privilégie l’émotion à la démonstration politique.

Le personnage de Kwame, interprété par Parista Sambo, incarne cette fragilité assumée. Loin des héros traditionnels du cinéma d’action, ce jeune homme navigue entre doutes et aspirations, porté par une quête de vérité qui résonne avec les interrogations contemporaines. « Il ne ressemble pas à ces héros des films de kung-fu et de Bollywood qui ont nourri mon imaginaire d’enfant« , confie le réalisateur.

Un tournage franco-malgache riche en défis

La production de « Disco Afrika » illustre parfaitement les enjeux du cinéma africain contemporain. Coproduit entre la France et Madagascar, avec le soutien de WE Film et Sudu Connexion, le film a dû composer avec des contraintes logistiques importantes. L’équipe technique, majoritairement malgache, a travaillé aux côtés de professionnels français, créant une dynamique créative particulièrement enrichissante selon les témoignages du tournage.

Cette collaboration transculturelle se ressent dans l’esthétique du film, qui marie l’authenticité du regard local à une exigence technique internationale. La photographie de Raphaël O’Byrne et la bande sonore de Pierre Gratacap accompagnent avec subtilité cette plongée dans un Madagascar à la fois familier et mystérieux.

L’urgence d’un cinéma engagé

Au-delà de sa dimension artistique, « Disco Afrika » porte un message politique fort. En évoquant les désillusions post-indépendance, Razanajaona questionne l’héritage colonial et ses répercussions sur les sociétés africaines contemporaines. La corruption, la pauvreté, l’exode rural : autant de thématiques qui résonnent avec l’actualité malgache d’aujourd’hui.

« Madagascar, mon île, est un bout de cette Afrique« , explique le réalisateur. « Il y a soixante ans, pleine d’espoir, elle aussi s’est révoltée contre la puissance coloniale. » Cette dimension historique confère au film une portée universelle, faisant écho aux luttes d’émancipation qui traversent le continent africain.

Avec une durée de 81 minutes et un budget modeste, « Disco Afrika » mise sur la force de son récit plutôt que sur les effets spectaculaires. Cette approche artisanale, caractéristique du cinéma d’auteur africain, permet au film d’explorer avec authenticité les méandres de l’âme malgache.

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La sortie prévue le 24 septembre 2025 s’annonce comme un événement pour le cinéma malgache, encore trop peu représenté sur les écrans internationaux. Plus de vingt-quatre ans après « Quand les étoiles rencontrent la mer » de Raymond Rajaonarivelo, « Disco Afrika » pourrait marque le retour du cinéma de Madagascar sur la scène mondiale.

« Disco Afrika est un premier long-métrage prometteur qui confirme l’émergence d’une nouvelle génération de cinéastes africains, déterminée à porter sa propre vision du monde sur les écrans.

« Disco Afrika : une histoire malgache » de Luck Razanajaona. Sortie le 24 septembre 2025. Distribution : Sudu Connexion.

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