CPI : une audience inédite contre Joseph Kony, le chef de guerre insaisissable


La Cour pénale internationale ouvre une audience inédite contre Joseph Kony, chef de la LRA et fugitif depuis près de vingt ans. Accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, il est au centre de la première procédure par contumace de l’histoire de la CPI. Malgré son absence, ce moment symbolique vise à donner une reconnaissance aux victimes des atrocités commises en Ouganda et dans les pays voisins.
La Cour pénale internationale (CPI) ouvre ce mardi 9 septembre à La Haye une audience historique visant Joseph Kony, fondateur de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) et fugitif depuis près de vingt ans. Accusé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, il est au centre de la première procédure par contumace de l’histoire de la juridiction.
Une figure de la terreur en Ouganda et au-delà
À la fin des années 1980, Joseph Kony, ancien enfant de chœur devenu prophète autoproclamé, a créé la LRA avec l’ambition d’instaurer un régime fondé sur les Dix Commandements. Très vite, son mouvement s’est transformé en une milice sanguinaire. L’ONU estime que plus de 100 000 personnes ont été tuées et 60 000 enfants enlevés, transformés en soldats ou en esclaves sexuels.
Sous son commandement, la LRA a commis des atrocités d’une brutalité extrême : villages incendiés, civils décapités, enfants forcés de tuer leurs propres parents, jeunes filles réduites en esclavage sexuel. Ces exactions se sont étendues bien au-delà de l’Ouganda, touchant le Soudan du Sud, la République centrafricaine et la RDC.
39 chefs d’accusation et une procédure symbolique
Les procureurs de la CPI présentent 39 chefs d’accusation contre Kony, parmi lesquels meurtre, torture, esclavage sexuel, viol et enrôlement forcé d’enfants. Après trois jours d’audience, les juges devront décider si les preuves sont suffisantes pour préparer un procès.
Mais un obstacle majeur demeure : Joseph Kony n’a jamais été arrêté. Le mandat d’arrêt lancé en 2005 était le tout premier émis par la CPI, et la règle du tribunal interdit les procès par contumace. En cas d’arrestation future, toutefois, cette étape permettra d’accélérer la tenue d’un procès.
Entre justice et incertitude
Pour les victimes, cette audience représente un moment attendu depuis longtemps. « Les accusations doivent être reconnues officiellement », insistent les procureurs, qui soulignent l’importance de donner une voix à ceux qui ont souffert. La défense, elle, juge l’exercice inutile et coûteux.
Pendant ce temps, Joseph Kony reste insaisissable. Caché quelque part dans les forêts d’Afrique centrale, il n’a pas été vu en public depuis près de deux décennies. Les opérations militaires internationales, y compris celles menées par les forces spéciales américaines sous Barack Obama, n’ont jamais permis de le capturer.
Si la LRA a aujourd’hui perdu l’essentiel de sa puissance, réduite à quelques combattants dispersés, son héritage reste une plaie ouverte dans la région des Grands Lacs. L’audience de La Haye, même sans la présence de Kony, réaffirme la volonté de la justice internationale de poursuivre les auteurs de crimes les plus graves, aussi insaisissables soient-ils.