Cote d'Ivoire: Sport féminin – Des victoires éclatantes, mais une santé mentale en friche

Les résultats du sport féminin ivoirien suscitent l’enthousiasme : quart de finale historique des basketteuses à l’AfroBasket d’Abidjan, premier sacre continental en floorball féminin, etc. Les podiums se succèdent, symbolisant la vitalité et l’audace des sportives ivoiriennes. Mais ces triomphes masquent une fragilité structurelle : l’absence quasi totale de prise en charge de la santé mentale des athlètes.
Dans les fédérations, la priorité reste la préparation physique et technique. Les clubs investissent dans les équipements, les entraîneurs multiplient les séances tactiques, mais peu s’intéressent à la dimension psychologique. Or, les chiffres mondiaux rappellent l’urgence. Selon le Centre McLean (Harvard), 35 % des sportifs de haut niveau souffrent de troubles psychiques, les femmes étant particulièrement exposées à l’anxiété et à la dépression.
En Afrique, une étude menée en 2022 au Maroc, au Cameroun et en Côte d’Ivoire révélait que plus de 80 % des jeunes footballeurs présentaient des symptômes dépressifs. Ces données illustrent la vulnérabilité des athlètes du continent, souvent confrontés à des conditions d’entraînement difficiles, cumulant pression sportive et défis sociaux.
En Côte d’Ivoire, la situation est aggravée par la faiblesse du système de santé mentale : un seul hôpital psychiatrique pour plus de 22 millions d’habitants. Dans un tel contexte, rares sont les clubs qui disposent de psychologues du sport ou de cellules d’écoute pour accompagner leurs joueuses. Les athlètes se retrouvent souvent seules face aux tempêtes intérieures générées par l’exigence de performance.
Quelques initiatives émergent néanmoins. Le programme Fighters NextGen, initié par l’ABC Fighters avec l’appui de Yango, a ouvert une brèche. En formant 30 jeunes basketteuses âgées de 16 à 23 ans, il associe performance sportive, mentoring et modules sur le leadership, la nutrition, l’éducation financière et la gestion du stress. De mai à août 2025, ces jeunes ont à leur tour transmis leurs acquis à plus de 400 filles, créant ainsi un réseau d’entraide inédit.
Mais ces actions demeurent ponctuelles et insuffisantes pour transformer durablement les pratiques. Pour les spécialistes, il est crucial d’intégrer la santé mentale dans les politiques sportives nationales.
Le sport féminin ivoirien a franchi un cap en termes de performances. La prochaine étape, indispensable, est de bâtir des structures capables de protéger l’équilibre psychologique des athlètes. Car derrière chaque médaille, il y a une histoire humaine fragile. Et un pays qui veut former des championnes doit d’abord leur offrir les moyens de rester debout.