Côte d'Ivoire: Kong et les vestiges du passé colonial [2/2]

Dans la région du Tchologo, dans le nord de la Côte d’Ivoire, les habitants de Kong tentent de valoriser leur patrimoine historique et religieux. Au cœur de la ville, figure la mosquée de style soudanais, classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Mais aussi plusieurs vestiges du passé colonial.
De notre envoyée spéciale à Kong,
La case de Binger se trouve au cœur du centre-ville de Kong. C’est une maison faite de briques en argile, partiellement détruite et envahie d’herbes-hautes. Selon les habitants, l’explorateur français Louis-Gustave Binger aurait séjourné à Kong à deux reprises à partir du 20 février 1888. Les habitants l’auraient logé dans une case.
Ce site a été conservé, car ce passage rappelle la position stratégique de Kong au XIXème siècle. « Kong était un carrefour commercial très important par où transitait presque tout : de l’or, du poisson sec, de la kola, explique Lucien Bogbé-Prévost, un guide touristique. Kong avait atteint une certaine prospérité, de sorte qu’elle était convoitée par plusieurs puissances occidentales. Et pendant son séjour, Gustave Binger a eu à signer plusieurs pactes avec la population locale. Parmi lesquels, on peut citer un pacte commercial. Il y avait également le pacte de la reconnaissance de l’islam en tant que religion. »
Au cœur du quartier Sirakoro, une stèle blanche, entourée d’arbustes. Il s’agit de la tombe de Moskowitz, un explorateur venu ici en 1894 pour alerter le colon français de la présence des Britanniques dans la région. Cette sépulture est entretenue par une habitante. C’est une marque de reconnaissance, selon Lucien Bogbé-Prévost : « Il était considéré comme un sauveur. Donc s’il décède à Kong, c’est normal qu’on l’enterre à Kong. C’est une manière de lui rendre hommage. »

Signe de ces migrations et de l’islamisation du nord ivoirien, la grande mosquée, de style soudanais, de Kong : c’est une mosquée en terre, avec des charpentes en saillie. Construite au XVIIème siècle, cette mosquée a été détruite à trois reprises, notamment lors d’une offensive lancée par Samory Touré en 1897. Depuis, l’édifice a été reconstruit par les habitants.
Bafétigué Konaté est le président du comité de gestion de la grande mosquée. Tous les trois ans, les habitants procèdent au crépissage de cet édifice : « Il faut prendre une argile rouge. Il y a par ailleurs, un arbre en brousse, appelé foulougou. On coupe. On remplit trois ou quatre barriques. On mouille. Et on laisse reposer quelques jours. Ça devient ensuite comme du caoutchouc. On utilise cette matière à l’intérieur et à l’extérieur de la mosquée. »
La grande mosquée est classée au patrimoine de l’Unesco. Mais les visites sont encore timides. La faute, à l’insécurité : en 2020 et en 2021, deux attaques meurtrières affectent Kafolo, non loin de Kong. Depuis, l’armée ivoirienne sécurise les départements du Nord ivoirien. Et des cadres locaux s’organisent pour relancer les activités culturelles.
Parmi eux, Bamoussa Ouattara, 1er adjoint au maire et initiateur d’un festival célébrant la renaissance de Kong : « La Côte d’Ivoire a vécu une période de crise, une dizaine d’années et tout cela a impacté le tourisme. Mais ceci étant, la crise est derrière nous. Il n’y a aucun problème de sécurité à Kafolo. Les populations ont renoué avec leur train-train quotidien. Il y a même de grands travaux qui s’y déroulent. Donc, je pense que tout cela ne peut être possible que s’il y a la sécurité. » Cet acteur politique local espère notamment développer le tourisme religieux.
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