Congo-Kinshasa: L'UA s'affirme comme acteur central de la paix

La décision d’unifier les démarches diplomatiques autour de la crise dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) sous l’égide de l’Union africaine (UA) constitue un tournant stratégique majeur, tant sur le plan géopolitique que géoéconomique.

En recentrant les efforts de médiation précédemment dispersés entre la Communauté d’Afrique de l’Est, la Communauté de développement de l’Afrique australe et l’UA elle-même, l’Afrique choisit de parler d’une seule voix face à un conflit régional aux ramifications complexes.

Vers une diplomatie africaine centralisée et crédible

Le sommet tenu le 1er août, réunissant les présidents William Ruto (Kenya), Emmerson Mnangagwa (Zimbabwe), des représentants de l’UA et d’autres dirigeants africains, acte la volonté de repositionner l’organisation continentale comme chef d’orchestre de la stabilité régionale. Cette dynamique s’inscrit dans une logique plus large : celle d’un continent qui souhaite reprendre la main sur ses propres crises, sans dépendance exclusive aux puissances extérieures ou à des mécanismes onusiens souvent perçus comme inefficaces ou trop lents.

La rivalité entre la RDC et le Rwanda, la résurgence du M23 et la présence d’une centaine de groupes armés dans le Kivu ou en Ituri confèrent à la crise une dimension transfrontalière et potentiellement explosive. Une médiation continentale permettrait de désamorcer les tensions interétatiques, de restaurer la confiance entre acteurs régionaux, et de mieux intégrer les spécificités locales dans le processus de paix.

Stabiliser la RDC, un enjeu stratégique pour toute l’Afrique

La RDC ne représente pas seulement un foyer de crise : elle est aussi un pivot économique pour le continent. Ses ressources naturelles – cobalt, cuivre, or, coltan – sont essentielles aux chaînes d’approvisionnement mondiales, notamment pour l’industrie technologique et les énergies renouvelables. L’instabilité persistante dans l’Est freine l’exploitation durable de ces ressources, décourage les investissements et bloque les corridors commerciaux régionaux, comme le projet de corridor Lobito-Atlantique ou l’intégration économique avec l’Afrique de l’Est. En prenant l’initiative de coordonner les efforts de paix, l’UA entend protéger les intérêts géoéconomiques communs à ses États membres. La paix en RDC est synonyme d’accès sécurisé aux marchés, de développement des infrastructures régionales et de construction d’une souveraineté économique partagée.

Défis à venir : coordination, inclusivité, efficacité

Toutefois, cette nouvelle architecture diplomatique devra surmonter plusieurs obstacles. Il faudra harmoniser les mandats militaires sur le terrain, intégrer les voix des communautés locales, des groupes armés démobilisés, mais aussi composer avec les intérêts divergents des États voisins. Le risque d’une coordination bureaucratique sans impact réel serait un revers politique majeur. Mais si cette initiative réussit, elle pourrait devenir un modèle pour d’autres crises africaines – au Soudan, au Sahel ou en Libye – et renforcer la légitimité géopolitique de l’UA sur la scène internationale.

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