Conférence de Paris: un élan diplomatique salué, mais des promesses encore à concrétiser dans les Grands Lacs

À Paris, le président Emmanuel Macron a annoncé la mobilisation de plus de 1,5 milliard d’euros en faveur des populations les plus vulnérables de la région des Grands Lacs, à l’issue de la Conférence de soutien à la paix et à la prospérité organisée jeudi 30 octobre.
Publié le :
4 min Temps de lecture
Cette rencontre, qui a réuni plusieurs dizaines de pays et d’organisations internationales, visait à relancer les efforts diplomatiques et humanitaires dans une région en proie à des décennies de conflits.
Des promesses importantes, mais des contours encore flous
La première réussite de la conférence tient à la mobilisation financière : 1,5 milliard d’euros promis. Mais dans le détail, le chiffre mérite d’être nuancé. Sur ce montant, environ 500 millions d’euros avaient déjà été engagés cette année, et une partie correspond à des promesses anciennes, réaffirmées à l’occasion du sommet.
Le fonds annoncé comprend plusieurs volets : de l’aide humanitaire d’urgence, du soutien au développement et des efforts de paix dans la région. Reste une question essentielle : quand ces fonds seront-ils effectivement disponibles ? L’échéancier n’a pas encore été précisé, reconnaissent plusieurs acteurs humanitaires.
Malgré ces zones d’ombre, les ONG saluent une réussite politique. La conférence a permis de remettre la crise à l’agenda international. Plus de 70 délégations étaient présentes, dont toutes les grandes puissances occidentales, et plusieurs États ont annoncé des financements additionnels.
« La Conférence de Paris a envoyé un signal important : au niveau des discours et des promesses, la solidarité internationale envers les populations de la RDC reste vivante. Les annonces financières, bien qu’une partie soit en réalité un recyclage d’engagements anciens, et les proclamations diplomatiques sont bienvenues. Cependant, elles n’auront de sens que si elles se traduisent par des mesures concrètes sur le terrain – en commençant par la levée immédiate de tous les obstacles administratifs et logistiques qui étouffent la réponse humanitaire », souligne Luc Lamprière, directeur du Forum des ONGI en RDC.
La réouverture partielle de l’aéroport de Goma
Présent à Paris, le président congolais Félix Tshisekedi a annoncé un plan d’aide d’urgence pour la reconstruction du Nord et du Sud-Kivu, évalué à cinq milliards de dollars à mobiliser d’ici à 2026, « une fois que le conflit aura pris fin ».
Il n’a toutefois pas précisé les sources de financement de ce plan, se limitant à indiquer qu’une loi encadrerait l’orientation du fonds.
Autre annonce marquante : Emmanuel Macron a évoqué la réouverture prochaine de l’aéroport de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo. L’aéroport n’est plus utilisé depuis janvier, après la prise de la ville par l’AFC/M23. La zone avait alors été le théâtre de violents affrontements entre les rebelles soutenus par Kigali et l’armée congolaise.
Le président français n’a pas annoncé une réouverture complète, mais une reprise progressive pour des vols humanitaires de jour, opérés par des avions de petits gabarits. « Ces accès sont indispensables. Ils seront faits dans le respect de la souveraineté congolaise afin que les premiers vols humanitaires puissent reprendre sans délai. Ils seront complétés par des corridors et accès humanitaires, par exemple ceux venant depuis le Burundi », a-t-il précisé.
Des réactions contrastées
Cette annonce a provoqué de vives réactions. Pour Corneille Nangaa, coordonnateur de l’AFC/M23, dont le mouvement n’a pas été invité à la conférence, la décision est « inopportune, déconnectée de la réalité du terrain et prise sans consultation préalable ».
Du côté du Rwanda, le ton est tout aussi critique. Le ministre des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, estime que « ce n’est pas à Paris qu’on va décider de la réouverture de l’aéroport de Goma » et que « cette réouverture ne peut se faire dans le contexte sécuritaire actuel ».
Interrogé sur une éventuelle concertation avec l’AFC/M23, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a précisé que « cette conférence internationale a été l’occasion d’accélérer les discussions sur ce sujet, qui vont se poursuivre dans le cadre de la médiation du Qatar, avec une impulsion nouvelle donnée ici, depuis Paris ».
Appel de Kinshasa à la communauté internationale
En clôture de la conférence, Félix Tshisekedi a appelé à « un accès humanitaire immédiat, sécurisé et garanti ». Le président congolais a également exhorté les participants à exiger « le retrait de l’AFC/M23 des zones qu’il occupe, ainsi que celui des forces étrangères du territoire congolais ».
La Conférence de Paris a réussi à rallumer la flamme diplomatique, à rappeler l’urgence humanitaire et à mobiliser des promesses substantielles. Mais le passage des promesses aux actes reste le défi central, tant pour la France que pour les partenaires régionaux et les bailleurs.
À lire aussiRDC: à Paris, une conférence de soutien à la paix dans la région des Grands Lacs



