Comment les tarifs douaniers Trump vont mettre fin à l’AGOA

Tarifs douanier Etats-Unis
Tarifs douanier Etats-Unis

Les nouveaux droits de douane imposés par Donald Trump en avril 2025 sonnent le glas de l’African Growth and Opportunity Act, ce programme commercial préférentiel qui permettait depuis 2000 à 32 pays africains d’exporter en franchise vers les États-Unis. Avec des tarifs allant jusqu’à 50%, c’est tout un modèle de développement économique qui s’effondre, poussant l’Afrique à repenser ses partenariats commerciaux et à accélérer son intégration régionale.

Depuis plus de deux décennies, l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) symbolisait l’engagement américain envers le développement économique africain. Mais les nouveaux tarifs douaniers imposés par l’administration Trump en avril 2025 viennent de facto mettre fin à cette relation privilégiée, bouleversant l’architecture commerciale entre les États-Unis et l’Afrique subsaharienne.

Un partenariat commercial de 25 ans brutalement remis en question

Adopté en 2000 sous l’administration Clinton, l’AGOA permettait à 32 pays africains éligibles d’exporter près de 7 000 produits vers les États-Unis en franchise de droits. Ce programme visait à stimuler la croissance économique africaine tout en créant des opportunités commerciales mutuellement bénéfiques.

Les résultats étaient tangibles : des instruments de musique maliens aux textiles du Lesotho, en passant par les noix du Mozambique et les matériaux de vannerie mauriciens, l’AGOA avait permis à des milliers d’entreprises africaines d’accéder au vaste marché américain. En 2023, les échanges commerciaux dans le cadre de l’AGOA représentaient encore environ 26 milliards de dollars annuels.

Le coup de grâce des tarifs Trump

La décision de Trump d’imposer un tarif universel de 10% sur toutes les importations, assorti de tarifs « réciproques » pouvant atteindre 50% pour certains pays africains, annule de facto tous les avantages de l’AGOA. Cette mesure, présentée comme une réponse aux supposés tarifs élevés imposés par les pays africains sur les produits américains, frappe particulièrement durement les économies les plus vulnérables.

Le Lesotho, petit royaume enclavé qui exportait principalement du denim et des diamants bruts vers les États-Unis, se retrouve avec le tarif le plus élevé au monde : 50%. Madagascar, avec ses 47% de tarifs sur ses exportations de vanille et de textile, voit s’effondrer un pan entier de son économie d’exportation. Maurice, frappé à 40%, perd son avantage concurrentiel sur ses produits manufacturés.

Une logique économique contestable

Les économistes soulignent l’absurdité de cette approche. Les pays africains exportent principalement des matières premières et des produits semi-finis vers les États-Unis. Les tarifs ne feront qu’augmenter les coûts pour les consommateurs américains sur des produits essentiels comme les jeans, la crème glacée ou le chocolat.

De plus, le commerce avec l’Afrique ne représentait que 0,67% du commerce total américain en 2023. L’impact sur le déficit commercial américain sera donc négligeable, tandis que les conséquences pour les économies africaines seront dévastatrices.

Les secteurs les plus touchés

  • Le textile et l’habillement

Les industries textiles du Lesotho, de Madagascar et de Maurice, qui employaient des centaines de milliers de personnes, font face à une catastrophe. Ces pays avaient construit leur avantage comparatif autour de l’accès préférentiel au marché américain. Avec des tarifs douaniers de 40 à 50%, leurs produits deviennent instantanément non compétitifs.

  • L’agriculture et l’agroalimentaire

L’Afrique du Sud, premier exportateur africain vers les États-Unis avec 14 milliards de dollars d’échanges annuels, estime à 35 000 le nombre d’emplois menacés dans le seul secteur des agrumes. Au total, 100 000 emplois seraient en danger dans le pays.

  • Les minerais et métaux précieux

Même si l’énergie est exemptée, d’autres secteurs miniers sont touchés. L’Afrique du Sud fournit la moitié du platine importé par les États-Unis, un métal stratégique pour l’industrie automobile américaine.

Un timing catastrophique

L’AGOA devait expirer en septembre 2025. Les pays africains espéraient une renégociation et une modernisation du programme. Au lieu de cela, ils se retrouvent face à une fin brutale et prématurée de leurs avantages commerciaux, sans période de transition. En outre, cette décision intervient alors que plusieurs pays africains font face à des crises de dette insoutenables. Le Ghana, la Zambie et le Malawi sont en défaut de paiement, tandis que six autres pays sont au bord du précipice. La perte des revenus d’exportation vers les États-Unis pourrait précipiter une crise économique majeure.

Face à ce choc, les réponses africaines varient. Certains pays, comme le Zimbabwe, ont choisi la soumission totale en supprimant unilatéralement tous leurs tarifs sur les produits américains. D’autres, comme l’Afrique du Sud, tentent encore de négocier des exemptions ou des arrangements particuliers.

Mais la tendance de fond est claire : l’Afrique accélère sa réorientation commerciale vers l’Asie. La Chine, qui a récemment éliminé les tarifs pour 33 pays africains, apparaît comme l’alternative évidente. Les ministres du commerce africains parlent désormais ouvertement de la nécessité de « réduire et atténuer les risques commerciaux » en diversifiant leurs partenaires.

Paradoxalement, cette crise pourrait aussi accélérer l’intégration économique africaine. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), lancée en 2018 mais dont la mise en œuvre piétinait, redevient une priorité urgente. « Maintenant plus que jamais, nous devons nous concentrer sur la façon dont nous, pays africains, pouvons commercer davantage ensemble« , déclare un dirigeant bancaire africain.

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