Comment la commune d’Anyama illustre le développement contrasté de la Côte d’Ivoire

Les Ivoiriens sont appelés aux urnes pour la présidentielle du 25 octobre 2025. Le chef de l’État sortant Alassane Ouattara brigue un quatrième mandat. Sous sa direction, le pays a connu une croissance moyenne de 6,7% et une politique de grands travaux. Mais le taux de pauvreté officiel est de 37,1%. Illustration de ce contraste à Anyama, commune la plus au nord d’Abidjan.

De notre envoyé spécial à Abidjan,

Près de deux ans après une mémorable Coupe d’Afrique des nations de football (CAN 2023), un panneau « J’aime Anyama » trône toujours en grand près du désormais mythique Stade Alassane Ouattara. L’enceinte, qui a notamment abrité le match d’ouverture de la CAN 2023 et la finale remportée par la Côte d’Ivoire, est située dans la 13ᵉ commune d’Abidjan, la plus au nord de la capitale économique. Et l’une des moins nanties.

Achille, 45 ans, marche lentement au bord de la route longeant ce complexe sportif. « A Anyama, il n’y a pas assez de travail, soupire-t-il. Les jeunes doivent se débrouiller pour manger. La seule solution pour certains, c’est d’aller loin, à Yopougon [où se trouve une grande zone industrielle, NDLR] pour chercher du boulot ».

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« La population grandit très vite »

Pour rejoindre les zones abidjanaises plus huppées comme Le Plateau ou Cocody, il faut parfois s’armer de patience, en raison du trafic. Pourtant, Anyama, n’est pas enclavée. Elle se trouve au croisement de l’autoroute A1 qui va jusqu’à Bouaké (au centre du pays) en passant par Yamoussoukro (la capitale administrative ivoirienne) et de la route Y4, qui contourne Abidjan. Et, d’ici quelques années, la ville accueillera les deux dernières stations d’un métro aérien allant jusqu’à Port-Bouët. « Je pense que le métro va contribuer à créer des opportunités d’emploi et d’affaires, qu’il va améliorer les choses en matière de transports et de commerce, et dans bien d’autres domaines », espère la maire Fatim Bamba.

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Cette dernière dirige Anyama depuis 2023. Elle mesure les difficultés auxquelles sa commune fait face, suite notamment à l’afflux de personnes dont les logements ont été rasés ailleurs à Abidjan : « La population grandit très vite. Chez nous, il y a eu les déguerpis d’Adjamé, il y a eu les déguerpis de Yopougon, il y a eu les déguerpis d’Attécoubé qui se sont ajoutés à la commune. Il y a peut-être trois ans en arrière, on était à quelque 300 000 habitants. Aujourd’hui, on a plus de 450 000 personnes ».

Le futur métro d'Abidjan longera les rails de la ligne ferroviaire Abidjan-Ouagadougou. Ici, près de la future station Anyama-Centre.
Le futur métro d’Abidjan longera les rails de la ligne ferroviaire Abidjan-Ouagadougou. Ici, près de la future station Anyama-Centre. © David Kalfa/RFI

De grands chantiers

Avec une croissance démographique annuelle de 8%, « tout est urgent à Anyama », poursuit l’élue du RHDP, le parti présidentiel. « Il y a les routes à faire, certaines qui sont très dégradées. Il y a des infrastructures scolaires qui ne répondent plus en termes de normes. Il y a aussi la question de la salubrité. […] Le principal défi à relever, je pense, c’est la modernisation des habitations ».

Mais elle affirme aussi que des progrès ont été réalisés : « Nous sommes aujourd’hui à 98 % de l’exécution de l’électricité à Anyama. Il y avait un problème crucial d’eau qui est en train aussi de se régler. » Surtout, elle met en avant les grandes réalisations sur son territoire. « Le stade a beaucoup changé la commune, jure-t-elle. Il y a la Y4 qui va avec, un grand abattoir qui va se faire chez nous. Et il y a le Centre d’animation et de formation pédagogique [pour les enseignants du primaire, NDLR], le plus grand Cafop d’Afrique de l’Ouest, qui vient d’être inauguré ». Sans parler de nouvelles cités qui poussent çà et là.

Le plus grand centre de formation des enseignants du primaire de Côte d'Ivoire a été inauguré en octobre 2025 en présence du Premier ministre Robert Beugré Mambé.
Le plus grand centre de formation des enseignants du primaire de Côte d’Ivoire a été inauguré en octobre 2025 en présence du Premier ministre Robert Beugré Mambé. © David Kalfa/RFI

La capitale de la cola

Radio Anyama, créée en 1999, n’échappe pas à cette vague foncière. Cette station généraliste, qui diffuse en FM (103.6) des programmes en différentes langues, a laissé ses anciens studios dans la municipalité pour une nouvelle résidence dans un quartier plus excentré. Haïdara Yamoussa, son directeur général, a vu la ville évoluer. « C’est une commune à la fois urbaine et rurale, qui conserve son authenticité et son esprit communautaire, tout en s’ouvrant à la modernité. Et contrairement à d’autres communes d’Abidjan, plus industrialisées, Anyama reste une ville verte », souligne-t-il.

Une tradition ne se dément d’ailleurs pas, à Anyama : la culture de la cola. Cette noix, qui pousse dans les forêts tropicales humides, fait vivre une bonne partie des habitants qui, pour une large part, évoluent dans le secteur informel, à l’instar de nombreux Ivoiriens avec le cacao ou l’anacarde. « Je peux presque dire que c’est une histoire de famille, la cola », souligne Ibrahim, 40 ans, sous le regard de son père, lui aussi ancien commerçant. « Il y a des moments où les affaires vont bien et des moments où c’est très difficile », ajoute Ibrahim, assis dans une cahute, alors qu’une cargaison de sacs est en train d’être chargée dans un gros camion.

Des marchands de cola triant les fèves dans de grands paniers, à Anyama.
Des marchands de cola triant les fèves dans de grands paniers, à Anyama. © David Kalfa/RFI

« Beaucoup de mixité »

Beaucoup comme celui-ci partent ensuite vers des pays voisins : Mali, Burkina Faso, Sénégal et même Nigeria. Car, à l’image de la Côte d’Ivoire, Anyama est un carrefour commercial et culturel ouest-africain. « C’est une commune où il y a beaucoup de mixité, beaucoup de ressortissants d’autres pays de la Cédéao, résume Abdourahmane Barry, consultant, chercheur, docteur en sociologie et analyste politique. Il y a une grosse communauté malienne et une grosse communauté burkinabè. La cola est un aliment qui est consommé dans les pays de la sous-région. Il faut aussi rappeler qu’Anyama est traversée par un chemin de fer qui est relié historiquement au Burkina Faso. Donc, il y a beaucoup de communautés de ces pays qui s’y installent ».

Il ajoute : « On y trouve aussi les différentes communautés ivoiriennes et pas seulement les communautés autochtones d’Anyama. Parce qu’à la base, la population autochtone, c’est la communauté Attié. Mais Anyama, aujourd’hui, réunit un certain nombre de brassages ethniques et surtout une mixité religieuse. »

"Comme la ville a grandi, il faut des centres de santé, des écoles, il faut réhabiliter les autres écoles, il faut des lycées parce qu'on n'a que deux lycées publics. Il y a beaucoup plus de lycées privés que des lycées publics", prévient la maire d'Anyama, Fatim Bamba.
« Comme la ville a grandi, il faut des centres de santé, des écoles, il faut réhabiliter les autres écoles, il faut des lycées parce qu’on n’a que deux lycées publics. Il y a beaucoup plus de lycées privés que des lycées publics », prévient la maire d’Anyama, Fatim Bamba. © David Kalfa/RFI

« C’est la Côte d’Ivoire miniature »

« C’est la Côte d’Ivoire miniature, souligne avec fierté la maire Fatim Bamba. Ici, on a toutes les communautés qui existent en Côte d’Ivoire ».

Abdourahmane Barry abonde : « Anyama, c’est le miroir de certaines communes et certains départements de Côte d’Ivoire, où des grandes infrastructures routières ont été lancées et réalisées. Maintenant, il reste d’autres défis à relever. » Il conclut : « L’État se doit d’accentuer les investissements pour répondre aux défis démographiques et socio-économiques que pose la commune. »

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