Centrafrique: les écogardes du parc Chinko [2/3]

Située au sud-est du pays, la réserve naturelle de Chinko est en phase de restauration depuis 2014, après plusieurs décennies de crises sécuritaires qui l’ont presque décimée. Aujourd’hui, les écogardes, encore appelés rangers, sont en première ligne pour protéger la faune et la flore issues de cette aire de conservation d’une surface estimée de plus de 30 000 km2. Le travail de ces hommes et femmes, recrutés pour la plupart dans les villages périphériques, est très important dans la chaîne de préservation des écosystèmes, la régénération de la faune et le développement socio-économique des communautés locales.
De notre correspondant à Kocho,
6h30, les écogardes sont déjà en colonne par deux dans leur zone de rassemblement pour définir le plan de la journée. Chacun porte un sac lourd, rempli de fournitures de premiers soins, de matériel de sauvetage, de nourriture et d’eau, une tente et des appareils de communication. Mathurin Davis Ndallot est responsable de la lutte anti-braconnage : « Notre quotidien ici, c’est la surveillance 24 heures sur 24, sept jours sur sept à travers nos équipes de terrain que nous utilisons. Au sein de la communauté, nous avons des hommes de confiance qui nous fournissent des informations en temps réel pour nous permettre de prendre de l’avance sur les braconniers et les éventualités. »
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Chaque unité est ensuite dirigée vers les zones de contrôle par des véhicules tout terrain. L’endroit est isolé et logistiquement très difficile d’accès. Ce matin, une unité de lutte anti-braconnage (LAB) est en patrouille au cœur de l’aire de conservation. En tenue de camouflage, les écogardes marchent lentement au milieu d’une végétation très dense. Le chef d’équipe balaye le sol du regard, à la recherche des traces de braconniers : « En tant que rangers, nous faisons des patrouilles régulières pour protéger nos forêts, nos rivières et la faune. Nous faisons aussi le comptage des traces des animaux, la maintenance des salines et nous veillons également au respect du code de gestion des aires protégées de Chinko. »
Bientôt, la saison des pluies va laisser la place à une période compliquée pour l’équipe de contrôle, selon Mathurin Davis Ndallot : « En début de saison sèche, les pasteurs du nord du Sud-Soudan descendent en Centrafrique. Leur arrivée crée beaucoup de stress dans nos activités. C’est pourquoi nous avons mis en place une équipe de sensibilisation des acteurs de transhumance appelée Tango, et Échos que nous utilisons pour aller sensibiliser les communautés et les éleveurs afin de leur montrer leur limite et l’importance de la conservation. »
« Nous sommes là pour changer les mentalités »
À l’approche de la rivière de Kocho, Mathurin Davis Ndallot ordonne à son équipe de se taire et d’avancer discrètement. Sous un soleil accablant, il vérifie avec ses jumelles militaires s’il n’y a pas de pêcheurs dans le coin : « On utilise également des caméras Traps, qui est un dispositif que nous plaçons dans la forêt et qui permet de faire des photographies de la faune et flore sans intervention humaine. Ces caméras sont placées à des endroits stratégiques et sur les salines afin de contrôler le mouvement des espèces que nous protégeons, pour faire également le contrôle général et l’infiltration des braconniers. »
Au milieu des fauves, de mille et un dangers, les écogardes se déploient plusieurs jours, à pied, en pirogue motorisée et parfois en avion de surveillance, selon le chef d’équipe : « Le but de nos patrouilles n’est pas forcément de faire la guerre. Nous sommes là pour changer les mentalités et appeler à la préservation de cette réserve naturelle. » En cas de récidive ou de résistance, les braconniers et les exploitants illégaux de la forêt sont arrêtés et traduits en justice.
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