Ce qui distingue l’accord de Washington de la déclaration de Doha sur la crise dans l’est de la RDC

Le processus de paix en République démocratique du Congo connaît une accélération ces dernières semaines. Washington, Doha, l’Union africaine : plusieurs acteurs se mobilisent pour tenter de faire avancer les discussions entre les parties en conflit. Deux textes ont été signés à quelques semaines d’intervalle, l’un aux États-Unis, l’autre au Qatar. Deux dynamiques parallèles, deux logiques diplomatiques différentes ? Que faut-il en retenir ?

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Deux textes ont été signés dans le cadre du processus visant à ramener la paix dans l’est de la République démocratique du Congo. D’un côté, l’accord signé à Washington le 27 juin engage les gouvernements congolais et rwandais sous médiation américaine. De l’autre, la déclaration de Doha, signée le 19 juillet, formalise un engagement politique entre le gouvernement congolais et le mouvement rebelle AFC/M23, sous l’égide du Qatar.

Ces deux initiatives, complémentaires dans leur logique selon toutes les parties, se distinguent néanmoins par leur nature, leurs signataires, leurs priorités et leurs portées respectives.

Deux natures juridiques et politiques différentes

À Washington, c’est un accord interétatique qui a été paraphé. Il a été conclu entre les deux États, représentés par leurs ministres des Affaires étrangères. Cette dynamique diplomatique, soutenue par les États-Unis, devrait aboutir à une rencontre au sommet entre le président congolais Félix Tshisekedi, son homologue rwandais Paul Kagame et l’Américain Donald Trump.

En revanche, la déclaration signée à Doha n’a pas été négociée entre États. Il s’agit d’un texte politique paraphé entre un émissaire de la présidence congolaise et le secrétaire permanent de l’AFC/M23, groupe rebelle armé actif dans l’est du pays. Le processus de Doha relève donc d’un dialogue politique interne, et non d’un cadre diplomatique international.

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L’accord de Washington est final, la déclaration de Doha pose des principes

La nature des documents diffère également. L’accord de Washington est un texte final, qui engage les parties sur des points précis. Il prévoit un calendrier clair d’actions, notamment en ce qui concerne la neutralisation des FDLR, groupe armé hostile au Rwanda et l’allègement progressif des dispositifs militaires rwandais présents sur le sol congolais.

À l’inverse, la déclaration de Doha n’est qu’une déclaration de principes. Elle fixe les grandes lignes d’un processus de paix à venir, sans détailler encore les mesures concrètes à mettre en œuvre. Elle doit déboucher, selon le calendrier annoncé, sur un accord de paix global d’ici au 17 août 2025.

Deux priorités stratégiques distinctes

Sur le fond, les deux textes répondent à des logiques différentes. Washington se concentre sur la sécurité entre la RDC et le Rwanda et sur des enjeux économiques et géopolitiques plus larges, dans lesquels les États-Unis entendent jouer un rôle, notamment dans le secteur minier.

Doha, en revanche, se penche exclusivement sur les aspects liés au conflit entre Kinshasa et l’AFC/M23 : cessez-le-feu, retour des déplacés, libération des prisonniers, restauration de l’autorité de l’État dans les zones occupées. Aucun de ces textes ne couvre à lui seul l’ensemble des enjeux sécuritaires à l’est du pays, mais chacun répond à une logique propre.

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Des mécanismes de suivi encore à préciser

En ce qui concerne la mise en œuvre sur le terrain, plusieurs éléments ont été avancés par les autorités congolaises. Jacquemain Shabani, vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, a rappelé sur RFI que le cessez-le-feu est en vigueur depuis le 23 avril 2025, et que la déclaration de Doha ne fait que le réaffirmer.

Un mécanisme conjoint de vérification doit être mis en place entre le gouvernement congolais et l’AFC/M23, avec l’implication du Qatar et de la Mission des Nations unies en RDC (Monusco). Ce dispositif sera détaillé dans le communiqué de paix, dont la signature est prévue d’ici au 30 juillet.

Par ailleurs, un système d’observation supervisé par la médiation qatarienne fonctionne déjà, avec des rapports quotidiens sur la situation sécuritaire dans les zones concernées. Reste que la pression diplomatique des États-Unis et du Qatar sera déterminante pour garantir le respect des engagements.

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La question du retrait de l’AFC/M23 reste en suspens

La question du retrait des troupes de l’AFC/M23, souvent posée dans les débats, n’est pas traitée dans la déclaration de Doha. Le gouvernement congolais explique ce choix par la volonté d’avancer par étapes. Il s’agit d’engager d’abord un processus structuré et encadré de désescalade, à partir d’une base commune, avant d’aborder les points plus sensibles dans le cadre d’un accord de paix final.

Aux yeux de Kinshasa, la déclaration de Doha est donc une première étape, destinée à créer un climat de confiance entre les parties et à préparer la suite des discussions.

Deux dynamiques complémentaires, mais encore fragiles

Les deux textes signés ces dernières semaines n’ont ni les mêmes auteurs, ni la même portée juridique, ni les mêmes objectifs politiques. L’un relève du registre diplomatique interétatique, l’autre d’une tentative de règlement d’un conflit armé interne. L’un traite des FDLR, l’autre du M23. L’un est un texte définitif, l’autre une base de dialogue.

À terme, ces deux processus pourraient converger, mais rien ne garantit encore leur réussite. La complexité du terrain, la fragilité des alliances et la multiplicité des acteurs imposent la plus grande prudence.

Quelles sont les prochaines échéances?

Pour le processus de Washington

  • Avant le 27 juillet 2025 : mise en place d’un mécanisme conjoint de coordination entre la RDC et le Rwanda.
  • Au plus tard le 11 août 2025 : première réunion du comité de surveillance commun, avec UA, les États-Unis, le Qatar.
  • Du 27 juillet à fin novembre 2025 (soit quatre mois après la signature de l’accord) : neutralisation des FDLR et retrait progressif des mesures dites défensives mises en place par le Rwanda.
  • Avant le 27 septembre 2025 : lancement d’un cadre d’intégration économique régionale : coopération sur les ressources naturelles, commerce transfrontalier, investissements.

Pour la déclaration de principes signée entre la RDC et l’AFC/M23

  • 29 juillet : date limite pour la mise en œuvre effective des dispositions de la Déclaration de principes.
  • 8 août : date butoir pour le lancement des négociations directes sur un accord de paix, une fois les engagements de la Déclaration de principes mis en œuvre.
  • 17 août : objectif fixé pour parvenir à un consensus et signer un accord de paix global entre les deux parties.

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