«CAN du peuple» et billets gratuits: une grande ferveur malgré une frayeur à Agadir

Le stade Adrar d’Agadir est devenu, après quelques jours de CAN, le « stade du peuple ». Pour Égypte-Zimbabwe, Cameroun-Gabon et Égypte-Afrique du Sud, des dizaines de milliers de spectateurs ont profité d’une entrée gratuite, décidée sur le tas par les autorités. Une opération géniale pour les Marocains et pour l’ambiance, mais la sécurité en a pâti vendredi.
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De notre envoyé spécial à Agadir,
Excentré dans l’ouest du pays par rapport aux autres villes hôtes, Agadir fait un peu sa CAN à part au Maroc. Géographiquement, mais pas que. À chaque match qui s’y déroule, le stade Adrad, écrin situé dans le nord de la ville, rénové pour l’occasion et porté à une capacité de 45 000 places, devient la scène d’un drôle de ballet. Une grosse dizaine de minutes après le coup d’envoi, alors que les tribunes sont encore clairsemées, voire parfois assez vides comme lors d’Égypte-Zimbabwe, des milliers de personnes fourmillent et se mettent à rejoindre un siège libre un peu au hasard.
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Un phénomène étrange, mais explicable : la CAF a décidé d’offrir un accès gratuit à ceux qui souhaitaient assister aux matchs à Agadir, en distribuant des billets à la volée ou bien en ouvrant tout simplement les portes en très grand pour laisser des flots de Marocains se déverser dans les travées. De quoi donner le surnom à cette édition 2025 de « CAN du peuple », selon les termes qui circulent sur les réseaux sociaux. L’ambiance s’en retrouve meilleure, la CAF diffuse des images de tribunes pleines et les Marocains en profitent. Tout le monde est gagnant.

Rania et Amine, frère et sœur, sont venus, avec leurs oncles et tantes, à l’occasion de Cameroun-Gabon, essayer de profiter des opérations portes ouvertes improvisées : « On était venus pour les vacances à la base. On a vu sur internet que tout le monde avait pu rentrer lors d’Égypte-Zimbabwe. L’info a circulé sur les réseaux sociaux et par le bouche-à-oreille. »
Sauf que le bouche-à-oreille est devenu un peu trop efficace. Et vendredi, pour le troisième match accueilli par le stade d’Agadir dans cette CAN, Égypte-Afrique du Sud, Adrar s’est rempli jusqu’à déborder. Heureusement sans véritable débordement. Mais entre les gros groupes qui se sont rués dans les escaliers et les tribunes, les quelques supporters qui se sont logés sur le toit et ceux qui passaient d’une tribune à l’autre en escaladant les grillages, la sécurité n’était pas assurée. Et elle l’a été de moins en moins à mesure que les spectateurs qui continuaient d’affluer et circulaient sans but dans les entrailles du stade ou se pressaient contre les barrières, faute de trouver un siège. Au risque de créer des mouvements de foule.
« Pour une famille marocaine 100 dirams par personne, ça peut être un sacrifice »
Le chiffre de 40 000 spectateurs a été annoncé pendant la rencontre, mais le stade plein comme un œuf et bien plus encore en contenait bien plus. Nombreux sont ceux qui ont assisté à la rencontre debout, sur la pointe des pieds ou depuis des escaliers, entre deux blocs de siège. D’autres, comme Mohammed, 13 ans, et son père, munis de billets achetés à l’avance, ont eu la mauvaise surprise de voir que « des gens avaient pris » leurs places. Ils se sont rabattus sur des sièges à la visibilité moins avantageuse.
Selon les divers témoignages recueillis, certains spectateurs entrés gratuitement ont été fouillés, beaucoup d’autres non. Les stadiers et bénévoles, trop peu nombreux pour gérer une telle foule qui afflue d’un coup d’un seul, ont été submergés dès Gabon-Cameroun. Qui peut blâmer la foule ?
D’autant plus que « pour une famille marocaine, 100 dirams par personne (le prix minimum des places), ça peut être un sacrifice », glisse un spectateur qui avait acheté ses billets au préalable pour Cameroun-Gabon et Égypte-Afrique du Sud. Ce père de famille, qui avait voulu offrir à son fils venu de France des places pour profiter de cette grande place du football, s’est avant tout réjoui de voir les stades remplis et la ferveur des Marocains s’exprimer.
Apprendre vite pour éviter un drame
Il se souvient tout de même s’être bien « pris la tête » avec l’application Yalla avant la compétition. Cette dernière, truffée de bugs et source de stress pour les acheteurs, était censée permettre aux détenteurs de billets de se munir d’un QR code pour accéder aux matchs. « Il y a de quoi se sentir un peu con d’avoir stressé pour acheter des places », conclut le père de famille, sans pour autant montrer le moindre agacement. Car en réalité, très peu se plaignent de la situation. Avec des incidents globalement contenus, le stade Adrar s’est transformé vendredi en un sacré bazar dans lequel tout le monde y a plus ou moins trouvé son compte.
« C’est une bonne idée de permettre à la population d’y accéder gratuitement, lance le fils de notre spectateur anonyme. Mais il faut juste que ce soit encadré. Aujourd’hui, (vendredi) le stade d’Agadir a dépassé sa capacité, le calcul n’a pas été bon. Mais je trouve que c’est grâce aux « erreurs » qu’on avance. À ne pas refaire pour les autres matchs ou compétitions. » Sous-entendu en 2030, lorsque le Maroc accueillera la Coupe du monde. En revanche, il va falloir retenir les leçons rapidement, car une « erreur » dans un stade de 45 000 personnes qui en contient 50 000 peut virer au drame.



