Cameroun: Recours contre la candidature de Paul Biya

Il s’appelle Akere Muna. Il est l’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Cameroun et candidat à la présidentielle du 12 octobre prochain dans son pays. Il conteste la candidature de Paul Biya à la prochaine présidentielle et a introduit, le 18 août dernier, une requête en Justice demandant l’invalidation de ladite candidature par le Conseil constitutionnel. Invoquant l’âge avancé et l’état de santé du nonagénaire locataire du palais d’Etoudi, l’opposant soutient que ce sont autant de facteurs rédhibitoires à l’exercice de la fonction présidentielle par le natif de Mvomeka’a à la recherche d’un huitième mandat. Mieux, pour le candidat du parti Univers, Paul Biya exerce une gouvernance par procuration parce que dépendant de tiers dans l’exercice de ses fonctions.
Le Conseil constitutionnel ne manquera pas d’arguments pour débouter le plaignant
En attendant le verdict du Conseil constitutionnel prévu pour ce 22 août 2025, le moins que l’on puisse dire, c’est que le requérant est dans ses droits, en usant des prérogatives que lui offrent les textes en la matière. Et c’est tout à son honneur d’avoir osé attaquer la candidature du chef de l’Etat devant les juridictions, là où certains de ses compatriotes ne se hasarderaient pas dans une telle démarche, dans un Cameroun que d’aucuns présentent comme le « Biya land ». C’est dire les risques que prend cette figure emblématique de la société civile camerounaise, en posant un acte qui peut être vu comme un crime de lèse-majesté. Toujours est-il qu’au-delà du verdict du Conseil constitutionnel qui semble connu d’avance, on peut se demander si Akere Muna ne va payer d’une façon ou d’une autre, son outrecuidance dans un pays où les intimidations et autres moyens de pression ne manquent pas contre ceux qui veulent naviguer à contre-courant des intérêts du prince régnant.
En tout état de cause, il ne fait pas de doute qu’une telle requête en invalidation de la candidature du chef de l’Etat, a peu de chances de prospérer devant une juridiction comme le Conseil constitutionnel. Lequel est accusé de rouler pour le chef de l’Etat, mais aussi ne fait rien pour se départir de son image d’institution à la solde du pouvoir. Autant dire que ce recours en contestation est une tempête dans un verre d’eau. Car, cela ne va rien changer dans la donne de cette présidentielle sans véritable enjeu au Cameroun, encore moins dans les plans de Paul Biya qui a verrouillé le système de sorte à laisser le sale boulot à ses lieutenants. En tout cas, ce n’est pas un acte de nature à troubler son sommeil dans sa quête d’un nouveau mandat. Car, au-delà de la recevabilité de la requête, tout porte à croire que le Conseil constitutionnel ne manquera pas d’arguments pour débouter le plaignant s’il ne se défausse pas en amont, de ses responsabilités. C’est dire s’il en faudra plus pour amener, juridiquement papy Biya à renoncer à la course à sa propre succession.
La requête de Akere Muna peut paraître un acte désespéré d’un concurrent
Un marathon dont il détient le record absolu avec sept succès en autant de tentatives et dont on ne voit pas comment il pourrait lui échapper dans une compétition où il a tout mis en oeuvre pour écarter les candidats susceptibles de lui tailler des croupières. Ce n’est pas Maurice Kamto, le principal opposant, qui dira le contraire. Lui qui a été recalé sans autre forme de procès par le Conseil constitutionnel, et qui voit dans le rejet de sa candidature, une manoeuvre politique orchestrée par le pouvoir en place pour le mettre hors course d’une présidentielle dans laquelle il était décidé à provoquer l’alternance.
Pour en revenir à la requête de Akere Muna, à quelques encablures du scrutin, elle peut paraître un acte désespéré d’un concurrent cherchant à mettre du sable dans le plat de couscous de Paul Biya. Mais au-delà, elle traduit un sentiment de lassitude de bien des Camerounais face à un pouvoir sclérosé et usé jusqu’à l’os. Et se veut aussi une interpellation du chef de l’Etat à quitter les affaires avant que celles-ci ne le quittent, en faisant valoir ses droits à une retraite bien méritée, après quatre décennies de règne sans partage. Paul Biya entendra-t-il le message ? Assurément, non !