Cameroun: Après 43 ans de règne, papy Paul promet le ciel et la terre

Au cours d’une cérémonie où la sobriété le disputait à l’expéditif, le président Paul Biya a entamé, hier 6 novembre, son 8e mandat à la tête du Cameroun. C’était devant l’Assemblée nationale au grand complet et l’absence remarquée d’hôtes étrangers.
Pas de chefs d’Etat, aucun Premier ministre, ni même un simple ministre, ambassadeur, ou envoyé spécial venu d’un pays voisin, ami ou institution partenaire du Cameroun.
C’est comme qui dirait, « le roi est nu » d’une trop longue durée sur le trône, et ce 8e couronnement, même aux yeux de « ses partenaires et amis » est un non-événement. A vaincre sans péril, Paul Biya est désormais réduit à triompher sans gloire. Eh oui, les Camerounais n’avaient pas le coeur à fêter leur monarque d’autant plus qu’avant même la fermeture des bureaux de vote, le 12 octobre 2025, les partisans de l’opposition étaient vent debout contre ce qui qualifient de « scrutin non transparent » et de « braquage électoral ». La rue allait alors s’embraser, notamment à Garoua, Douala et certains quartiers périphériques de Yaoundé quand le principal opposant au président déclaré réélu s’est autoproclamé vainqueur avec 60% des suffrages exprimés contre 20% à Paul Biya.
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Il sera démenti par les résultats officiels donnés d’abord par la commission d’organisation des élections, confirmés ensuite par la Cour constitutionnelle : Paul Biya aurait été réélu avec 53,66% des voix contre 35, 90% pour Issa Tchiroma Bakary. Pour un Paul Biya habitué à des scores staliniens de plus de 90% des suffrages, ces résultats sont c’est un camouflet pour son charisme présumé. Ceci explique-t-il que ces résultats officiels aient apporté de l’eau au moulin du bouillonnement de la rue, suivi de « villes mortes » à l’appel du principal challenger de Paul Biya? Un mot d’ordre diversement suivi selon les régions et la carte électorale du pays.
Qu’importe ! Ce 8e mandat de Paul Biya est passé par plus de violences et une plus grande secousse nationale : 48 morts, des bâtiments administratifs vandalisés, des véhicules caillassés, des barricades de rues… Certes ce n’est pas nouveau, une crise postélectorale au Cameroun, mais cette dernière aurait davantage taillé des croupières à la paix sociale au point où l’ONG, International crisis group (ICG) , craint quele « conflit risque de dégénérer dans un pays déjà secoué par une rébellion séparatiste dans ses régions anglophones ».
Sans verser dans cet alarmisme d’ICG, il est à noter que le gouvernement a décerné un mandat d’arrêt contre l’opposant Issa Tchiroma Bakary pour « appel à l’insurrection… déstabilisation des institutions de la république ». Depuis lors, il est entré en clandestinité, officiellement non localisé par les autorités policières, ni même par ses proches, notamment les dirigeants de son parti. Ces derniers ont déclaré, l’air sibyllin à des journalistes, qu’Issa Tchiroma Bakary « est en mouvement ». En mouvement avec qui, vers quoi, et comment ?
On croise les doigts pour le Cameroun. Que cette nouvelle crise électorale soit un épiphénomène et contribue à une redéfinition des règles du jeu démocratique, au renouvèlement de la classe politique, à la consolidation de la cohésion sociale et n’handicape pas la relance de la croissance économique.
En tout cas l’ancien-nouveau locataire du palais de Verre à Yaoundé y croit. Dans son discours post investiture, il s’est réjoui de « l’enracinement de la démocratie » au Cameroun. Il en veut pour preuves, la tenue régulière des élections, la vitalité des débats à l’Assemblée nationale qui n’est pas « une chambre d’enregistrement », les progrès de la décentralisation, la création prochaine d’un Sénat, etc.
Sur le plan économique, Paul Biya projette une reprise de la croissance économique bâtie sur la triptyque « agriculture, énergie, industrie qui ont un dénominateur commun, un réseaux d’infrastructures ». Mais pour que cette révolution agricole et industrielle soit possible, encore faut-il que tous les Camerounais abandonnent leur égoïsme qui « met l’intérêt particulier au-dessus de l’intérêt général » dénonce Paul Biya.
Sera-t-il entendu, lui qui, en père de la nation, déplore que le chômage, la pauvreté et les inégalités expliquent en partie « le déclin de la morale publique » dans le pays. A qui la faute ?



