Cameroun 2025 : quand Brenda Biya désavoue son Président de père


Il y a des consignes de vote qui tombent comme des pavés dans une mare déjà trouble. Et puis il y a Brenda Biya, fille unique du président camerounais, qui vient d’inventer une nouvelle catégorie : celle où l’héritière du régime demande carrément aux électeurs de tourner la page de son propre père, candidat à un huitième mandat. Rien que ça.
Dans une vidéo TikTok filmée depuis ce qui ressemble à une chambre d’hôtel, Brenda Biya, 27 ans, a troqué les punchlines people pour une déclaration politique inattendue : « Ne votez pas Paul Biya, pas par rapport à moi, mais parce qu’il a fait souffrir trop de gens. J’espère qu’on aura un autre Président ». Autant dire que la dynastie présidentielle a reçu un coup de poignard… dans le salon familial de Mvomeka’a.
Une crise de famille aux airs de campagne électorale
Les règlements de comptes familiaux, jusque-là confinés aux couloirs feutrés de l’entourage présidentiel, se retrouvent donc étalés sur les réseaux sociaux. La jeune femme accuse ses proches de l’avoir maltraitée, voire abandonnée. Mais son témoignage intime a rapidement pris une tournure nationale : la souffrance privée se mue en acte de dissidence politique. Dans un Cameroun où critiquer le Président peut valoir garde à vue, procès ou exil forcé, l’ironie veut que la critique la plus brutale vienne… de son propre sang.
Brenda Biya n’en est pas à son premier bras d’honneur au système paternel. En 2024, elle avait déjà secoué la chape de plomb morale du pays en révélant publiquement son homosexualité, un acte perçu comme un défi direct à un pouvoir qui ne tolère pas cette orientation sexuelle.
Des réactions contrastées de part et d’autre
Sans surprise, la sortie a fait l’effet d’un cocktail Molotov dans les rangs du RDPC. Patrick Rifoe, communicant du parti présidentiel, a dénoncé « l’abjection qui consiste à exploiter à des fins politiciennes la détresse d’une jeune femme ». En clair : on nous explique que la fille du chef de l’État est à la fois trop perturbée pour être prise au sérieux… mais assez démocrate pour prouver que la famille présidentielle respire le pluralisme. Un numéro d’équilibriste rhétorique dont le régime a le secret.
Côté opposants, on jubile. L’écrivaine Calixthe Beyala, jamais avare de formules incendiaires, s’est empressée de déclarer : « Qui sommes-nous pour voter pour cet homme honni par sa propre fille ? Tout sauf Biya ! » Elle a même annoncé son choix pour Issa Tchiroma Bakary, dans un enthousiasme qui confine au slogan publicitaire : « Garanti 100 % sans Biya ».
Une onde de choc politique… ou un simple buzz ?
La vraie question reste de savoir si cet appel aura un impact réel dans les urnes le 12 octobre prochain. Car si la vidéo a enflammé TikTok, la majorité silencieuse camerounaise, fatiguée par quatre décennies de règne biyaïste, ne se détermine pas toujours en fonction des querelles familiales du palais. Et puis, soyons sérieux : Paul Biya, 92 ans, n’a pas survécu à coups de décennies de pouvoir en s’inquiétant d’un hashtag lancé par sa fille expatriée en Suisse.
Mais une chose est sûre : la Présidentielle camerounaise de 2025 aura eu son coup de théâtre, et il ne vient pas d’un opposant classique, mais d’une héritière en rupture, qui semble préférer TikTok à Etoudi. Et dans un pays où l’immobilisme politique tient lieu de religion d’État, voir la fille du « père de la Nation » devenir la plus virulente de ses détracteurs a au moins un mérite : rappeler que même les murs de Mvomeka’a finissent par se fissurer.