Bénin: Mettre fin aux mariages des enfants – Une priorité pour le gouvernement béninois ?

Le Conseil des ministres du 3 septembre 2025 a adopté un programme national de lutte contre le mariage des enfants. L’objectif affiché est de réduire la proportion de filles mariées avant 18 ans de 33 % en 2019 à 15 % en 2029. Cette décision traduit la volonté des autorités de transformer une mobilisation communautaire et associative de longue date en une stratégie nationale efficace et mesurable.

Au Bénin, environ une femme sur quatre âgée de 20 à 24 ans a été mariée avant sa majorité. Le phénomène est particulièrement répandu dans les départements du Nord – Alibori, Donga, Atacora – où les taux dépassent 30 %. Ces mariages précoces entraînent déscolarisation, grossesses à risque, violences sexuelles et vulnérabilités économiques.

En dépit de l’adoption du Code de l’enfant en 2015 et de plusieurs campagnes de sensibilisation, les pratiques se maintiennent dans certaines communautés, renforcées par la pauvreté et des traditions persistantes. Mais le gouvernement béninois a réaffirmé sa fermeté sur le sujet avec la mise en place d’un programme national salué par le milieu associatif et les organisations internationales

Une politique structurée

Le nouveau programme prévoit de renforcer le dispositif national de protection et la prise en charge des enfants victimes ou menacés. Il repose sur une combinaison de leviers : campagnes massives de sensibilisation, implication accrue des leaders communautaires et religieux, mobilisation des familles et responsabilisation des enfants eux-mêmes. L’État entend ainsi donner une cohérence à des actions jusque-là dispersées, tout en fixant un objectif chiffré de réduction de 18 points sur dix ans.

Ce plan s’inscrit dans la continuité d’initiatives menées ces dernières années, telles que la campagne « Tolérance zéro » contre le mariage des enfants (2017) et surtout le programme Faaba Cash+Care, soutenu par les Pays-Bas et le Canada depuis 2022. Ce dernier a déjà permis la certification de dizaines de villages « zéro mariage d’enfants », en particulier dans la commune de Kandi, où 80 villages sur 82 ont obtenu ce statut.

Les communautés au cœur de la lutte

Le succès de ces initiatives repose sur les comités de veille villageois, mis en place avec l’appui du ministère des Affaires sociales et de l’UNICEF. Ces structures locales, composées de chefs de village, d’imams, de représentants de jeunes et de femmes, ont pour rôle de détecter et d’empêcher les mariages précoces, puis de référer les cas aux guichets uniques de protection sociale.

Dans le village de Donwari Peulh, dans l’Alibori, ce dispositif a permis de faire annuler des mariages programmés, grâce à l’action concertée du comité et au refus des autorités religieuses de célébrer des unions illégales. Ces expériences locales montrent que le changement de normes sociales est possible lorsque les acteurs traditionnels deviennent des alliés de la loi.

Une dynamique portée par les jeunes et les femmes

Le programme s’appuie aussi sur des acteurs de terrain qui incarnent cette mutation. À Pehunco, Gounou Boué, adolescente non scolarisée, est devenue paire éducatrice et anime aujourd’hui des séances d’alphabétisation et de sensibilisation. Dans l’arrondissement de Tobré, Assouma Barikissou, issue d’une communauté agropastorale, contribue à freiner les mariages précoces et à promouvoir la scolarisation des filles. Ces engagements individuels, relayés par des relais communautaires et des ONG locales, illustrent la dynamique ascendante qui alimente désormais la stratégie nationale.

Ces initiatives communautaires, soutenues par l’État, ont déjà produit des résultats tangibles : inscriptions accrues d’enfants à l’école, mariages annulés, villages certifiés. Elles montrent que la lutte contre le mariage des enfants n’est pas qu’une affaire de lois, mais une transformation progressive des mentalités, portée par ceux qui vivent au cœur des communautés concernées.

En érigeant désormais cette mobilisation en programme national assorti d’objectifs mesurables, le Bénin franchit une étape décisive. L’efficacité dépendra toutefois de la capacité à maintenir la dynamique au niveau local, à élargir les dispositifs de protection et à garantir des alternatives éducatives et économiques aux familles. La bataille contre les mariages précoces ne se joue plus seulement dans les textes officiels : elle s’ancre dans la vie quotidienne des villages et des foyers, là où se décide l’avenir des filles béninoises.

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