Bénin: Les Démocrates exclus des élections locales, la crise interne sans fin

Double élimination, même constat
À peine sortis de la tourmente présidentielle, Les Démocrates (LD) viennent d’être écartés des élections communales et municipales prévues pour janvier 2026. Selon la Commission électorale nationale autonome (CENA), les dossiers du parti présentaient des irrégularités majeures : absence de parité, erreurs de signature et listes incomplètes. La CENA a également rejeté la liste de Moele Bénin, pourtant allié de la mouvance présidentielle. Une preuve, selon plusieurs observateurs, que la rigueur administrative prévaut désormais sur les calculs politiques.
Pour LD, cette décision fait écho à la disqualification du parti à la présidentielle d’avril 2026, confirmée il y a à peine deux semaines. Elle interroge sur la capacité du parti à incarner durablement l’opposition dans le paysage politique béninois, non pas tant au niveau des idées qu’aux niveaux des personnalités et organisationnels, éléments essentiels pour pouvoir compter sur la confiance des citoyens.
Une opposition en déroute
En effet, ce nouveau revers confirme un enchaînement d’échecs politiques et organisationnels. Depuis la crise du parrainage présidentiel et la défection du député Michel Sodjinou, le parti n’a jamais retrouvé de cohésion. Les départs successifs de figures comme Patrick Djivo et les critiques de cadres tels que Midofi Antonin Hounga ont accentué les fractures internes. Plusieurs coordonnateurs locaux ont aussi quitté le navire dans les départements du Mono et du Couffo.
Malgré ces signaux d’alerte, la direction présidée par Boni Yayi a continué d’imposer ses choix sans consensus, à l’image de la désignation du duo présidentiel. Résultat : le parti est aujourd’hui paralysé par la défiance et les querelles de leadership, dont le grand perdant est le débat d’idées.
Houndété tente de garder le cap
Face à la décision de la CENA, Éric Houndété a adopté un ton mesuré. Il a reconnu les manquements du parti et a appelé à en tirer les leçons, tout en soulignant que Les Démocrates ne remettaient pas en cause le travail de la CENA.
Une position jugée responsable, contrastant avec la rhétorique accusatoire de certains membres du bureau politique. Elle illustre une fracture de plus entre l’aile institutionnelle du parti, soucieuse de préserver l’image d’un parti responsable, et une partie de la direction plus radicale, préférant attaquer les institutions.
Le spectre judiciaire s’invite dans la crise
À cette crise politique s’ajoute désormais une dimension judiciaire. Des enquêtes préliminaires auraient été ouvertes par le CRIEF sur la gestion des fonds électoraux et sur d’éventuelles falsifications de documents.
L’affaire Sodjinou, qui avait révélé l’utilisation présumée frauduleuse d’une fiche de parrainage, continue de hanter le parti. Si aucune inculpation n’a encore été prononcée, ces soupçons suffisent à entretenir un climat de défiance au sein des cadres et des militants du parti.
Une crise bien plus profonde
Cette exclusion des communales n’est que la partie émergée d’un iceberg. Derrière l’argument administratif, c’est un parti en crise identitaire qui se délite : absence de stratégie, tensions régionales, perte de repères. Même des militants historiques admettent leur découragement. “Le problème n’est pas la CENA, c’est notre propre incapacité à nous organiser”, confiait récemment un élu local démissionnaire.
Alors que les citoyens béninois souhaitent vivre un grand débat démocratique en 2026, l’opposition donne le spectacle d’une décomposition accélérée. Les Démocrates, qui rêvaient d’incarner l’alternance, sont aujourd’hui prisonniers de leurs divisions, et leur naufrage illustre une crise plus large : celle d’une opposition incapable de se renouveler et de se structurer pour offrir une véritable alternative de gouvernement.



