Au Kenya, la fin de l’aide américaine pénalise la lutte contre le VIH

Moins d’un an après la fin de l’USAID, les conséquences dramatiques se font déjà ressentir. Parmi elles : la pénurie chronique de traitements antirétroviraux pour les personnes séropositives. Ces traitements empêchent la maladie du sida de se déclarer chez des personnes porteuses du virus. La situation kényane pourrait rapidement devenir critique alors que le pays avait réussi à diviser par deux, en 20 ans, son taux de prévalence.
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De notre correspondante à Nairobi,
C’est dans l’intimité d’une petite église du bidonville de Kawangware que plusieurs habitants séropositifs partagent leurs difficultés. « Je prends mes médicaments. Ma mère m’a appris comment faire », raconte Benedict, 19 ans. Il est né avec le VIH. « Je suis les instructions parce que sinon, ma vie peut s’arrêter. Ma mère prend soin de moi. Mais depuis que Trump ne veut plus aider le Kenya, c’est dur de trouver mes médicaments. Parfois, je n’en ai pas pendant un mois, plusieurs semaines. Je me sens tellement mal. »
La mère de Benedict, Emily, est elle-même séropositive : « Avant, on trouvait les traitements, mais maintenant, c’est compliqué. Une fois, il y en a, l’autre, il n’y en a pas », poursuit-elle. Depuis des mois, Emily ne travaille plus car elle passe ses journées à écumer les centres de santé de Nairobi à la recherche de médicaments. « Je vais quémander dans n’importe quelle clinique. On me donne parfois cinq pilules. J’en donne trois à mon fils et j’en prends deux. Et je demande ailleurs trois jours plus tard. Même le test pour suivre ma charge virale a été repoussé d’un an. »
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Fin de l’aide américaine
D’après l’organisation Médecins pour les droits de l’homme, les États-Unis finançaient 18% des agents de santé kényans. La plupart travaillaient pour des programmes de lutte contre le sida qui ont fermé du jour au lendemain. Lidiah cherche donc sa trithérapie ailleurs : « Je prends mes médicaments à l’hôpital Mbagathi. Ils sont gratuits. C’est vraiment terrible quand ils ne sont pas disponibles. Il y a des gens qui en vendent, mais c’est très cher. Environ 2 500 shillings, presque 17 euros, pour un traitement de trois mois. Je ne peux pas, c’est trop cher. C’est du marché noir. Ces médicaments sont gratuits dans les hôpitaux publics. »
En 2000, le Kenya était le 9e pays le plus touché par le sida. Il a aujourd’hui quitté le classement des 10 pays les plus affectés. « Mais pour combien de temps ? », s’interroge Zainabu, travailleuse sociale à Kawangware. « Si ça continue, on aura un retour du sida et il y aura des morts, s’inquiète-t-elle. On reviendra au point de départ. L’éducation sexuelle, c’est bien. Mais aujourd’hui, on raconte que les préservatifs ne fonctionnent pas. On n’autorise pas les jeunes à s’en servir et on leur dit de s’abstenir. Ils ne le font pas. Il faut alerter les gens là-dessus. On ne trouve même pas de préservatifs dans les centres de santé. »
En 20 ans, le Kenya a divisé par deux son taux de prévalence du VIH, pour atteindre aujourd’hui 4,3%.
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