Afrique: Une étude propose une révision du traitement de la malnutrition sévère

Nairobi — Les enfants présentant des niveaux critiques de malnutrition peuvent être réhydratés en toute sécurité par voie intraveineuse, selon une nouvelle étude qui appelle à une révision des directives de traitement existantes.

Les spécialistes de la santé infantile affirment que les directives vieilles de plusieurs décennies qui déconseillent la réhydratation intraveineuse en raison du risque perçu d’insuffisance cardiaque étaient basées sur l’opinion d’experts, mais n’étaient pas étayées par des preuves scientifiques.

Ils affirment que de nouvelles recherches suggèrent que la méthode recommandée de réhydratation orale peut avoir davantage d’effets indésirables et que les taux de mortalité constamment élevés parmi les enfants souffrant de malnutrition soulignent la nécessité d’un changement.

« Il est trop tôt pour suggérer que les directives mondiales soient modifiées, car une base de données probantes plus solide est nécessaire pour cela »Laura Ferguson, Université de Californie du Sud

« Les enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère et de déshydratation sont très malades, il est donc crucial que nous puissions leur fournir le meilleur traitement possible et rapidement », déclare Kathryn Maitland, pédiatre britannique de renom et directrice du Centre of African Research and Engagement à l’Imperial College de Londres au Royaume-Uni.

Elle fait savoir à SciDev.Net que « Les recommandations actuelles ont toujours été controversées car elles étaient basées sur le niveau de preuve e plus bas : l’avis d’experts. »

« Néanmoins, ces recommandations ont été rigoureusement enseignées aux cliniciens et aux nutritionnistes afin qu’ils craignent de donner des liquides supplémentaires aux enfants », dit-elle.

À l’échelle mondiale, on estime que près de 20 millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë sévère (MAS) – le niveau de sous-alimentation le plus élevé – et la majorité d’entre eux vivent en Asie du Sud ou en Afrique subsaharienne. La MAS étant par ailleurs responsable de près d’ un tiers des décès évitables chez les enfants de cette tranche d’âge.

Le Rapport mondial 2025 sur les crises alimentaires, publié le mardi 17 juin, indique que plus de 294 millions de personnes dans 53 pays ont connu des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë en 2024, en raison des conflits, des conditions météorologiques extrêmes et des chocs économiques.

Kathryn Maitland et ses co-chercheurs de l’Imperial College, de l’University College London et de Médecins Sans Frontières (MSF) ont testé différentes options de traitement sur près de 300 enfants admis à l’hôpital pour malnutrition aiguë sévère dans quatre pays africains.

Surveillance rigoureuse

L’ étude publiée dans le New England Journal of Medicine a révélé que l’administration de liquides directement dans une veine élimine le besoin de prendre ces liquides par voie orale et conduit à une récupération plus fiable et plus rapide.

Les enfants hospitalisés qui souffrent de malnutrition sévère disposent déjà d’une perfusion intraveineuse pour les antibiotiques et autres médicaments, ce qui est plus rapide et plus facile à administrer pour le personnel hospitalier, explique Kathryn Maitland.

Les chercheurs affirment que l’étude, menée sous une surveillance rigoureuse, a montré que la réhydratation des enfants à l’aide de liquides intraveineux ne cause aucun dommage, aucun enfant n’ayant souffert d’insuffisance cardiaque au cours de l’essai.

Ils ont déclaré que ceux qui recevaient une hydratation orale présentaient davantage de complications, notamment le besoin d’une sonde nasogastrique pour faciliter la réhydratation, davantage de vomissements et le besoin de liquides d’urgence pour corriger une mauvaise circulation.

Surcharge hydrique

Les directives actuelles de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) prescrivent une réhydratation orale en cas de malnutrition sévère, précisant que la déshydratation sévère est difficile à détecter chez les enfants souffrant de malnutrition sévère et est souvent mal diagnostiquée.

Il est indiqué que l’administration de liquides par voie intraveineuse expose ces enfants à un risque de surhydratation et de décès par insuffisance cardiaque dû à une surcharge liquidienne.

Cependant, l’étude menée au Niger, au Nigéria, en Ouganda et au Kenya n’a trouvé aucune preuve d’une différence de mortalité avec le traitement intraveineux après 96 heures, par rapport à la stratégie de contrôle standard.

L’étude a comparé la sécurité de différentes stratégies de réhydratation pour 292 enfants âgés de 12 ans et moins hospitalisés pour malnutrition aiguë sévère et souffrant de déshydratation causée par la diarrhée.

Au cours de l’essai, aucun événement d’insuffisance cardiaque ou de surcharge liquidienne n’a été enregistré, ce qui indique que les approches intraveineuses de réhydratation n’étaient pas nocives, affirment les chercheurs.

Après 96 heures, le taux de mortalité était inférieur aux prévisions, par rapport à la stratégie de contrôle standard. Mais les chercheurs reconnaissent que cela peut être dû aux soins et à la surveillance étroits pendant l’essai.

En effet, pour garantir que l’essai réponde à des exigences éthiques strictes, les enfants ont été étroitement surveillés dans des unités spéciales par des équipes d’essais cliniques dédiées pour identifier et traiter les complications, affirme Kathryn Maitland.

Elle espère que les résultats de cette étude contribueront à combler le vide que laissait le manque de preuves et à susciter une révision des directives.

« Trop tôt »

Laura Ferguson, directrice de recherche à l’Institut sur les inégalités en santé mondiale de l’Université de Californie du Sud, qui n’a pas participé à la recherche, affirme qu’il s’agit de résultats importants qui soulignent la nécessité de mener davantage de recherches dans ce domaine.

Cependant, elle souligne que « il est trop tôt pour suggérer que les directives mondiales soient modifiées, car une base de données probantes plus solide est nécessaire pour cela ».

« Il est important de reconnaître que l’étude n’a pas constaté que les liquides intraveineux diminuaient la mortalité par rapport à la pratique actuelle, et qu’elle nécessite un environnement et un équipement stériles, qui ne sont pas toujours disponibles lors du traitement de la MAS », déclare Laura Ferguson qui a dirigé une équipe de chercheurs dans le développement d’un modèle d’IA qui prédit la malnutrition six mois à l’avance.

Elle estime que des recherches plus approfondies sont nécessaires au sein des systèmes de santé gouvernementaux, où le niveau de ressources disponibles peut être plus limité que dans les conditions d’essai, où les enfants étaient étroitement surveillés.

Kathryn Maitland reconnaît les limites de l’essai, mais souligne que les enfants devaient être surveillés de près pour assurer leur sécurité.

« Toutes les demi-heures pendant les deux premières heures, puis toutes les heures jusqu’à huit heures, l’infirmière et le médecin étaient à son chevet. C’est la norme de diligence requise pour garantir que nous ne faisions pas de mal aux enfants », dit-elle.

L’OMS n’a pas répondu à notre sollicitation pour la production de cet article.

La version originale de cet article a été produite par l’édition mondiale de SciDev.Net.

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